Côte d’Ivoire : Faut-il instaurer une personnalité morale à l’image du roi des Ashanti ou du Moro Naba pour le règlement des différends ?
Dans plusieurs pays africains, certaines figures traditionnelles jouent un rôle déterminant dans le maintien de la paix et la cohésion sociale.
Au Ghana, le roi des Ashanti et au Burkina Faso, le Moro Naba, incarnent des autorités morales respectées dont la parole et la médiation parviennent souvent à désamorcer les crises politiques et sociales, même les plus graves.
Leur légitimité repose sur la neutralité, la sagesse et le respect unanime qu’ils inspirent à toutes les composantes de la société.
En Côte d’Ivoire, la question se pose. Notre pays ne gagnerait-il pas à se doter d’une personnalité morale de ce type, capable d’intervenir lors des crises nationales pour ramener le calme et favoriser le dialogue ?
Une telle figure pourrait servir de repère moral et de garant du vivre-ensemble, au-delà des clivages politiques ou ethniques.
L’instauration de la Chambre nationale des rois et chefs traditionnels aurait dû jouer ce rôle.
En tant que gardiens de la tradition et du lien social, ces chefs coutumiers représentent la mémoire et la sagesse de nos communautés. Cependant, cette institution semble avoir perdu une partie de sa crédibilité en raison de sa récupération politique.
A la veille de la présidentielle de 2025, la Chambre a parcouru les 31 régions du pays pour recueillir l’avis des populations et prôner un scrutin apaisé et inclusif. Mais à ce jour, aucun rapport officiel n’a été transmis au président de la République, ni aucune recommandation publique formulée.
Pire, cette institution s’est retrouvée mêlée à des activités politiques, en recevant l’émissaire du président sortant venu annoncer sa candidature, puis en participant à des rencontres électorales.
Ce positionnement a contribué à affaiblir son autorité morale.
Aujourd’hui, la Côte d’Ivoire manque d’autorité morale nationale respectée de tous, capable de s’exprimer sans crainte ni influence.
S’inspirer du modèle du Moro Naba ou du roi des Ashanti, des figures apolitiques, pourrait être une voie à explorer pour restaurer une boussole morale dans notre société.
La Chambre des rois et chefs traditionnels pourrait endosser ce rôle à condition d’être réformée en profondeur.
Son président devrait être élu par ses pairs, afin de garantir son indépendance vis-à-vis du pouvoir politique.
Son mandat devrait être limité dans le temps.
Et surtout, ses prises de position devraient rester strictement neutres et guidées par l’intérêt général.
La Côte d’Ivoire a besoin d’un repère moral fort, d’une voix de sagesse qui puisse rappeler, au-delà des divergences politiques, les valeurs de paix, d’unité et de respect mutuel.
Face à la montée de la corruption, de la méfiance et du désenchantement des jeunes, la présence d’une telle personnalité morale contribuerait à restaurer la confiance entre les citoyens et leurs institutions, et à préserver la stabilité politique du pays.
Adou Evariste
Analyste politique





