Transport aérien : Les dessous de la crise entre Air Côte d’Ivoire et Air France et Corsair
Après que ses vols vers la France ont été refusés par Air France et Corsair, Air Côte d’Ivoire passe à l’action : la compagnie nationale décide de bloquer en retour les programmes de vols des deux géants français pour la saison d’hiver, lançant un bras de fer inédit dans le ciel franco-ivoirien.
C’est un tournant historique pour l’aviation ivoirienne. Le 15 octobre 2025, Air Côte d’Ivoire a lancé son premier vol long-courrier direct entre Abidjan et Paris, un symbole fort de souveraineté et de développement économique. Mais cette avancée a rapidement rencontré un obstacle : Air France et Corsair ont refusé de céder les créneaux nécessaires à la compagnie ivoirienne pour opérer ses vols dans des conditions équitables.
En réaction, Abidjan a décidé de bloquer les vols des deux transporteurs français pour l’hiver afin de défendre ses droits et rétablir un équilibre sur une liaison stratégique.
Contexte historique
Depuis 1940, Air France règne sur la liaison Paris–Abidjan, accompagnée depuis 2013 par Corsair. Ensemble, ces deux compagnies assurent la quasi-totalité des vols long-courriers entre la France et la Côte d’Ivoire, limitant l’accès des transporteurs locaux et privant le pays de revenus significatifs. Selon Laurent Loukou, directeur général d’Air Côte d’Ivoire, seulement 1 % des passagers reliant l’Afrique de l’ouest au reste du monde utilise des compagnies africaines, contre 82 % pour des transporteurs européens.
Fondée en 2012, Air Côte d’Ivoire aurait pu lancer cette liaison dès sa création, mais la résistance persistante des compagnies européennes à libérer des créneaux, a retardé le projet de treize ans. Aujourd’hui, avec l’arrivée d’un Airbus A330 Neo et la perspective d’un second appareil en novembre, la compagnie nationale est prête à prendre sa place sur ce marché stratégique.
Le problème : pourquoi ce blocage ?
Le conflit résulte directement du refus d’Air France et Corsair de permettre à Air Côte d’Ivoire de voler vers Paris dans des conditions équitables. Les créneaux horaires proposés aux compagnies ivoiriennes sont insuffisants pour assurer un fonctionnement compétitif. En conséquence, Abidjan a décidé de retarder la validation des programmes de vols hivernaux des deux transporteurs français, une mesure de rétorsion et de pression pour rappeler que le marché ne peut pas être monopolisé.
Objectifs et ambitions d’Air Côte d’Ivoire
La compagnie ne cherche pas seulement à remplir ses avions, elle veut rééquilibrer le marché long-courrier et affirmer la souveraineté du pays sur ses liaisons internationales. Le lancement de cette liaison Paris–Abidjan est à la fois un symbole de fierté nationale et une stratégie commerciale : Air Côte d’Ivoire entend montrer qu’elle peut jouer sur un pied d’égalité avec les compagnies historiques, et assurer des revenus significatifs pour l’économie ivoirienne.
Conséquences
Si le blocage se poursuit, Air France et Corsair pourraient voir leurs vols réduits ou suspendus, perturbant le trafic régulier. Pour Air Côte d’Ivoire, cette action permet de réclamer un accès équitable aux créneaux et de consolider sa légitimité sur l’axe Paris–Abidjan. Pour les passagers, la compétition accrue pourrait à terme se traduire par plus de choix et des tarifs plus compétitifs.
Ce bras de fer dépasse le simple enjeu commercial : il marque un tournant stratégique pour l'aviation ivoirienne et africaine. En refusant de subir un monopole hérité de l'histoire, Abidjan envoie un message clair à ses partenaires : le ciel ivoirien n'est pas une chasse gardée. La souveraineté économique passe aussi par la maîtrise de ses lignes aériennes.
A.K. et pulse.ci





