Burkina Faso / Le Conseil d’État décide d’extrader François Compaoré
La plus haute juridiction administrative française ne s’oppose donc pas à son extradition vers le Burkina Faso. Le frère cadet de l’ancien président Blaise Compaoré est soupçonné par la justice burkinabè d’avoir joué un rôle dans le meurtre du journaliste Norbert Zongo en 1998. Selon l’avis du Conseil d’État, la vie de François Compaoré n’est pas menacée au Burkina Faso.
D’après l’arrêt que RFI a pu consulter, le Conseil d’État estime que le ministère de la Justice burkinabè a fourni des engagements sur les lieu et condition de détention, suffisants pour assurer la sécurité de François Compaoré. La plus haute juridiction administrative vient donc de rejeter les arguments de la défense de François Compaoré. D'autre part, selon l'arrêt, les dispositifs de contrôle du système judiciaire sont de nature à garantir que M. Compaoré ne soit pas soumis à la torture ou à des traitements inhumains.
Ses avocats estimaient également que cette affaire est en réalité politique et que François Compaoré n’aurait pas droit à un procès juste et équitable. Là encore, le Conseil d’État estime que la procédure burkinabè n’a pas un objectif de répression. Il ne ressort pas des éléments versés au dossier, explique l'arrêt, que l'extradition aurait été demandée dans un but autre que la répression des infractions de droit commun.
Enfin, la défense du frère de l’ancien président avait aussi mis en cause la légalité de la procédure judiciaire burkinabè, François Compaoré n’ayant jamais été, selon eux, inculpé officiellement. Le Conseil d’État estime qu’il n’est pas de son ressort de statuer sur ce point, mais que cela ne remet pas en cause la légalité de l’extradition de François Compaoré.
« François Compaoré doit faire face à la justice »
Pour Maître Bénéwendé Sankara, ancien avocat de la famille Zongo devenu ministre, mais dont le cabinet poursuit la défense de la partie civile, un grand pas vient d'être franchi. « C'est une très grande victoire, qui n'a que trop duré. Nous sommes en proie à une guerre terroriste. Mais le Burkina Faso a souscrit à tous les accords qui garantissent la détention et le procès équitable. Je pense que François Compaoré doit faire face à la justice de son pays, dans la dignité, dans l'honneur et avec responsabilité ».
Cette décision du Conseil d’État marque la fin définitive de la procédure de François Compaoré en France. En effet, le Conseil d’État est la plus haute autorité administrative du pays. Son arrêt valide donc définitivement la légalité du décret d’extradition qui avait été émis par le gouvernement français en mars 2020. L’exécutif peut renvoyer François Compaoré au Burkina.
La CEDH saisie
Les avocats de François Compaoré ont saisi la Cour européenne des droits de l’homme en urgence, qui peut faire injonction à la France de ne pas exécuter le décret d'extradition. Selon maître François-Henri Briard pense que la juridiction européenne sera sensible aux arguments de la défense. « C'est le caractère politique de la demande, c'est tout le versant des traitements inhumains et dégradants, c'est la question de l'état du système pénitentiaire burkinabè. C'est une vie humaine qui est en cause, et je pense que le président de la Cour pourra être très attentif à cette dimension du dossier.
Les avocats de la défense espèrent que la CEDH prendra la décision dans les 15 jours. Ce qui permettra ensuite aux avocats de tenter un dernier recours au niveau européen sur le fond. Et dans ces procédures-là, la Cour européenne des droits de l’homme peut mettre plusieurs années à rendre sa décision.
Au Burkina Faso, la décision du Conseil d'État a été accueillie avec soulagement par la Cellule Norbert Zongo pour le journalisme d'investigation en Afrique de l'Ouest. Comme l'explique Boureima Ouedraogo, directeur de publication du Reporter et secrétaire général de la Cénozo.
« C'est un grand jour parce que depuis 1998, près de 23 ans aujourd'hui, nous nous battons pour que vérité soit rendue à Norbert Zongo. François Compaoré a échoué à convaincre la justice française à toutes les étapes que d'une part, il n'a rien à voir avec l'assassinat de Norbert Zongo, et d'autre part, que sa vie serait menacée s'il rentrait au Burkina pour défendre sa cause. Donc pour nous, effectivement, à ce niveau, disons que c'est une satisfaction.
Le fait de faire recours à la Cour européenne des droits de l'homme, pour nous, n'est qu'une autre procédure. Parce que si effectivement il y avait des arguments solides, au moins, à une des étapes de la procédure en France, on aurait vu quand même une réaction en sa faveur. Mais jusqu'à aujourd'hui, toutes les décisions prises par la justice française ont toujours été en sa défaveur, et donc en faveur de l'Etat burkinabè, et de la justice burkinabè ».
Avec rfi