Anikpo.jpg

Après la réunion des Experts et des Ministres de l’économie et des finances de la CEDEAO à Abidjan, des conclusions ont été prises en guise de recommandations aux Présidents des Républiques des Etats membres qui vont se réunir le 29 Juin 2019 à Abuja, au Nigeria. Pour ne pas être le médecin après la mort, j’ai pris ma plume pour prévenir afin que le ‘’mal’’ ne se produise.

Au titre du régime de change flexible 

Quand j’ai lu que le régime flexible était le modèle retenu, j’étais à l’aise. Mais  quand plus tard  j’ai lu les détails des conditions qui accompagnent ce choix de régime flexible, j’ai vu le diable. Vous savez tous que le diable se trouve dans le détail. Ici le détail c’est quoi ?  « Le régime de change flexible assorti de ciblage de l’inflation comme cadre  de la politique monétaire ». Cette politique de ciblage de l’inflation qui est une reprise de la politique monétaire relative au FCFA, réduira, pour ne pas dire annulera les effets bénéfiques recherchés d’un régime de flexibilité monétaire. Pour être précis,  c’est cette politique maladive contre l’inflation, qui est à l’origine de la pénurie monétaire et de l’asphyxie financière qui a fait tant de mal à nos économies nationales, au  point où les PMI de nos pays n’avaient de crédits suffisants  pour se développer, où l’argent manquait chez les commerçants  pour que la France n’ait pas à faire face à sa garantie de stabilité.  Nous voilà de nouveau face à une monnaie ECO, qui peut devenir très vite un CFA bis.

Concernant le modèle de la future banque centrale de la CEDEAO

Dans un de mes éditoriaux dans le Journal ‘’ L’INTER’’, j’avais donné les deux conditions dans lesquelles une monnaie est efficace. J’avais écrit ceci « il y a deux formes de créations de monnaie efficace : la monnaie unique nationale et la monnaie unique fédérale ».

La monnaie unique nationale est efficace dans les conditions d’une économie nationale souveraine,  une banque centrale nationale, un budget national et un Etat national souverain.

Quant à la monnaie fédérale unique, elle est efficace dans les conditions d’une économie fédérale, une banque centrale fédérale, un budget fédéral et un Etat fédéral. Je dois faire remarquer qu’un marché économique et monétaire  unique n’est pas un critère de  politique monétaire efficace. Le système monétaire américain est fédéral. Aucun des Etats de la fédération n’a de prérogative monétaire. C’est un domaine exclusif au seul Gouvernement fédéral. Ici l’économie américaine est une et indivisible. Qu’en sera-t-il du système fédéral de la CEDEAO ?  Je dois faire la remarque très importante qui est que la CEDEAO n’est pas un Etat fédéral mais un ensemble d’Etat indépendants. A côté du système fédéral, il y a le système unique de l’Union européenne avec une banque centrale unique sans état fédéral, mais un système hybride, boiteux et inefficace, avec des Etats indépendants.

Il est urgent que la nature de la banque fédérale soit précisée pour nous permettre d’en faire un examen approprié. Pour l’heure, il y a du flou dans l’air. Et le flou peut cacher beaucoup de crabes. En matière de monnaie, la précision est de rigueur.

 A propos des conditions de réalisation de l’état de convergence face à la vulnérabilité aux chocs  asymétriques internes et externes.

Je me suis posé la question que voici : Comment, dans le cadres d’économies nationales sous-développées, l’on peut créer une nouvelle monnaie sans prendre le ciblage de l’industrialisation comme conditionnant la politique monétaire en vue d’éviter la vulnérabilité durable des économies de notre région ?

Dans les conditions de réalisation des critères de convergence durable, il n’a été mentionnée ou retenu nulle part l’industrialisation comme la colonne vertébrale principale à rechercher pour la convergence des économies qui sont par ailleurs toutes sous-développées et sous-équipées.  Pour assurer à nos économies de demain une  invulnérabilité durable aux chocs extérieurs et intérieurs, ce ne sont pas les critères de gestion qu’il faut privilégier; mais le critère de l’industrialisation. Parce ce que les critères de gestion sont par essence conjoncturels et font naturellement le YOYO, au gré des fluctuations. On ne peut pas s’attendre à une stabilité durable avec eux. La nouvelle monnaie ECO a-t-elle pour ambition de pérenniser le sous-développement, de maintenir nos économies dans le sous-développement perpétuel comme le fait actuellement le FCFA ?  C’est cette politique que j’ai toujours qualifié de politique de l’industrialisation interdite, dans le cadre du FCFA. Il faut l’industrialisation maintenant pour des économies futures stables

Concernant le nom de la monnaie unique de la CEDAO

Dans la macro-économie classique,  la définition de la monnaie est assimilée aux attributs et fonctions de la monnaie. Quand on prend la définition de la monnaie comme étant « une valeur qui joue le rôle d’équivalent, général, universel » on voit que la monnaie puise son sens dans les profondeurs culturelles et économiques des nations. Une monnaie n’est pas un simple morceau de papier. La monnaie, c’est aussi l’histoire, voire la géographie. C’est pourquoi le son nom doit, de préférence traduire une valeur économique ou culturelle commune.  Je m’interroge donc sur le sens du nom ‘’ ECO’’. Concernant les noms des futures monnaies de l’Afrique, j’ai dénommé la monnaie africaine, la NUBIE, dans mon livre sorti en 1990. Récemment, j’ai proposé le nom SIKA à la future monnaie nationale ivoirienne ou par extension, ouest-africaine. Enfin, le FRICAO (le fric Afrique de l’Ouest) m’aurait tenté.

 

Le Ministre ANIKPO DANIEL

Méga économiste