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La fin de la crise du soutien des revenus du cacao en Côte d’Ivoire n’est pas pour demain. En cause l’opacité dérangeante dans la gestion des fonds en la matière. Après la défunte caisse de stabilisation, le conseil café cacao (CCC) déroule parfaitement depuis sa création, un génie comptable permettant à ses dirigeants de « manger », chaque année, plusieurs dizaines de milliards. Dans ce contexte, le refus du gouvernement de faciliter environ 42 milliards de subventions aux exportateurs et négociants nationaux est très peu défendable et ne survit pas aux principes de pertinence. Le gouvernement creuse ainsi le déficit de concurrence et séquestre durablement l’épargne nationale déjà en souffrance. Le débat relatif à l’impact d’une motivation économique rationnelle dans les prises de décisions gouvernementales reste une actualité incontournable. Nous en avons besoin pour une économie rurale dynamique.

 

Un refus qui affaiblit les exportateurs nationaux et pas seulement

 

L’agriculture reste la mamelle de l’économie ivoirienne. La mamelle de la filière café-cacao se trouve elle, dans la stabilité des prix et les revenus du paysan. Malheureusement chez nous, les fonds café-cacao, sensés apporter une solution avantageuse aux paysans, restent avant tout une source d’enrichissement personnel. La campagne café cacao est proche. Une population des 800.000 paysans et leurs familles attendent les maigres bénéfices d’un dur labeur. Les décideurs du conseil café cacao jubilent déjà quant à leur prévision de gain. Comme en 2017, il faut s’attendre à un éventuel trou d’au moins 130 milliards de Franc CFA dans les comptes du CCC. Les négociants et autres petits exportateurs demandent 42 milliards environ de cadeau fiscal comme l’autorise la réforme 2012 de la filière.

 

Le refus du gouvernement est sans appel. Aucune subvention aux habitués des cadeaux d’argent public. S’il est tout à fait logique de sauver de l’argent public à des fins plus utiles dans un contexte de besoin urgent d’argent frais pour boucler le budget 2019. Surtout que Paris et la Banque mondiale se font prier pour 86 milliards. Se résigner cependant à appliquer une bonne réforme, bien qu’insuffisante, trahi une volonté manifeste de choisir les gagnants et les perdants dans la distribution des revenus du cacao. Ainsi à la suite de Saf Cacao qui n’a pas eu le soutien du gouvernement et qui sera probablement vendu aux indéboulonnables marocains, les acheteurs nationaux sont aujourd’hui condamnés à jeter l’éponge face aux puissants cartels d’exportateurs étrangers qui détiennent déjà 80% de l'activité.

Cette stratégie est contre-productive, du point de vue intérêt national, dans un pays où l’épargne nationale fait cruellement défaut. La vision de court terme du gouvernement continue de créer les conditions d’une dépendance accrue à la dette extérieure pour le financement des déficits publics à défaut d’une épargne nationale conséquente.

 

L’argent ne manque pourtant pas dans le pays

Le CCC fait une recette de 306 milliards en 2017. Dans la foulée l’un des rares audits des entreprises publiques révèle que les magiciens de la structure ont fait disparaitre 136 milliards des caisses sans aucune explication. Le gouvernement n’y apporte aucune réplique par des sanctions légitimes. Dans ce contexte, ramer à contre-courant en étouffant l’entreprenariat national privé, c’est heurter la susceptibilité des ivoiriens. Une telle attitude n’échappe pas à la question de l’agenda de nos dirigeants. Il y a pourtant mieux à faire.

 

Encourager les banques commerciales au financement des projets agricoles

L’audit des entreprises publiques a révélé que le conseil café cacao a suffisamment de moyens pour aider à assurer une production maximale à notre pays. Les subventions devraient donc se concentrer sur la sécurité sanitaire des végétaux et le financement de la recherche au centre national de la recherche agronomique (CNRA). Notre pays serait alors fier d’une production proche de la tonne à l’hectare au lieu des 450 kg actuels, loin derrière le Ghana. Mieux, le gouvernement devrait créer une structure bancaire ; un premier prêteur aux projets agricoles dont l’action encouragerait les banques commerciales dans un pays où les énormes besoins en financement de l’agriculture n’ont aucun écho.

 

Conclusion

Le débat sur les exonérations fiscales aux entreprises mérite d’être recentré pour trouver une stratégie capable d’assurer la compétitivité des organismes nationaux mais surtout d’accroitre les rendements et de réduire les couts des intrants. Le sérieux des audits et les sanctions devraient mettre un frein aux velléités d’agents de l’État biberonnés à la corruption.

Les états généraux de la filière café cacao sont donc nécessaires pour trouver des solutions qui permettre aux agriculteurs de vivre dignement. Bien-sûr les subventions sans intérêt économique qui étouffent la production agricole sont à proscrire. Dans ce contexte, une subvention rationnelle des paysans peut donner naissance à une économie rurale dynamique.

 

 

 

Danon Gohou

Secrétariat Exécutif à l’économie – COJEP.