Cinéma/ Film documentaire ‘’Et si Kong m’était Ra-Kong-té’’ : Le journaliste Serge Koléa redonne vie à l’empire oublié de Kong
Sous les lustres feutrés du Sofitel Hôtel Ivoire de Cocody, une foule bigarrée de journalistes, d’universitaires, de responsables politiques et de passionnés d’histoire s’est donné rendez-vous le mardi 16 septembre 2025. Tous sont venus assister à la projection d’un film singulier, une œuvre de mémoire et de réappropriation identitaire, ‘’Et si Kong m’était Ra-Kong-Té’’, un documentaire de 52 minutes signé Serge Koléa, journaliste et réalisateur ivoirien.
Un titre à double fond, entre jeu de mots et appel à l’écoute. Une invitation à tendre l’oreille vers cette cité du nord ivoirien, Kong, aujourd’hui discrète mais jadis capitale d’un empire prospère, à la croisée des routes commerciales, spirituelles et politiques de l’Afrique de l’ouest.
Pendant près d’une heure, le film déroule le récit d’un royaume raffiné, structuré, et résolument africain, porté par des témoignages puissants, des reconstitutions soignées et l’analyse d’experts.
« A travers ce film, nous avons voulu rendre hommage à l’histoire mais aussi à ceux qui la portent encore : les sachants, les historiens, les anthropologues, les fils et filles de Kong qui ont enrichi ce projet de leur savoir, de leur vécu et de leur amour pour cette cité d’exception », explique avec émotion Serge Koléa, visiblement habité par son sujet.
Le documentaire est le fruit d’une collaboration entre Imagin’com et le Club des amis de la culture (CDAC). Il ambitionne de réveiller les mémoires mais aussi d’ouvrir des perspectives. En filigrane, il pose la question de la transmission : comment, dans une époque globalisée, redonner aux Africains la fierté de leurs civilisations passées, sans tomber dans la nostalgie figée ou l’idéalisation ? ‘’Et si Kong m’était Ra-Kong-Té’’ ne se contente pas de dresser un tableau historique. Il fouille, questionne, relie. Le spectateur y découvre le destin de l’empereur Sékou Ouattara, figure centrale du film, décrit comme un « visionnaire, stratège et bâtisseur ». A partir de 1710, cet homme aurait posé les bases d’une organisation politique, sociale et militaire dont le rayonnement dépassa largement les frontières actuelles de la Côte d’Ivoire. Kong devient alors un symbole : puissance politique, centre de commerce florissant, haut lieu de spiritualité islamique, et surtout, modèle d’une gouvernance ancrée dans les réalités africaines, loin des clichés coloniaux d’un continent sans Etat. Mais Serge Koléa va plus loin. Il tisse un fil entre le passé et le présent, en traçant une filiation symbolique entre Sékou Ouattara, Gaoussou Ouattara et Alassane Ouattara, président de la République. Ce dernier, originaire de Kong, est présenté comme « le fils prophétique » ayant ravivé, à sa manière, « la flamme d’un héritage millénaire ».
Une lecture assumée, qui ne manquera pas de susciter le débat. Ce fut une soirée sous le signe du patrimoine. La projection s’est déroulée sous le haut patronage de la présidente du Sénat, Kandia Camara, en présence du représentant du ministre d’Etat et ministre de la Défense, Téné Birahima Ouattara, frère cadet du chef de l’Etat. Les ministres Françoise Remarck (Culture et francophonie) et Adama Diawara (Enseignement supérieur et recherche scientifique) ont également co-parrainé l’événement, marquant ainsi l’importance institutionnelle accordée à la valorisation du patrimoine culturel ivoirien.
A l’issue de la séance, les échanges entre les invités se prolongent dans le hall du Sofitel. Tous saluent la rigueur documentaire, la finesse du montage mais surtout, la volonté de réconcilier passé et présent, mémoire et avenir. Pour nombre d’entre eux, ce film pourrait bien être le point de départ d’un plus vaste mouvement de réappropriation de l’histoire nationale. Serge Koléa, lui, ne cache pas son ambition : inscrire ‘’Et si Kong m’était Ra-Kong-Té’’ dans une série plus large, consacrée aux empires et royaumes africains oubliés ou méconnus. Car, dit-il, « pour se projeter dans l’avenir, il faut d’abord connaître ses racines ».
A travers ce film, la mémoire collective ivoirienne se dévoile : cité marchande millénaire, centre névralgique de l’épopée mandingue, Kong est également la terre d’origine du président Alassane Ouattara, symbole de la jonction entre tradition et modernité. Kandia Camara a salué « un travail de mémoire essentiel » et réaffirmé son engagement pour la valorisation du patrimoine culturel ivoirien.
Adama C