Côte d’Ivoire / Réconciliation à Bingerville : Vincent Toh Bi contraint de rencontrer les chefs de M’batto-Bouaké dans la rue
Le Préfet d’Abidjan a eu une journée mouvementée, hier à Bingerville. Attendu dans le village de M’batto-Bouaké, première étape d’une visite qui devait le conduire dans environ 5 autres villages de la commune de Bingerville, Vincent Toh Bi Irié a fait le constat de la profonde division entre les populations à la suite de la suspension du chef Edouard Anoman Badiglon. C’est à 12 heures 45 minutes que le Préfet d’Abidjan foule le sol de M’batto-Bouaké. Il est accueilli par un groupe de femmes à l’entrée du village qui lui donne certainement les premières nouvelles. L’administrateur civil profite dans leurs échanges de leur prodiguer quelques conseils pour l’entente, l’union et insiste sur la nécessité de préserver la paix dans le village. Car ayant appris que des actes de vandalisme ont été perpétrés par les jeunes quelques jours avant. Après quoi, le Préfet fait ses civilités aux notables venus eux aussi l’accueillir. Ensemble, ils se dirigent vers les bâches dressées à la place publique du village pour abriter la rencontre de réconciliation entre les populations et leur chefferie. C’est en ce moment que le camp du chef intérimaire s’oppose et l’invite à se rendre sous une autre bâche qu’il a lui aussi prévue à cet effet. Refus catégorique du camp du chef suspendu arguant que lors de la première visite du Préfet dans leur village, c’est à la place publique qu’il avait été reçu. Pas question donc qu’il aille ailleurs pour cette deuxième venue à M’batto-Bouaké. Pour la même rencontre, deux bâches installées à deux endroits différents. Les populations en majorité pour le chef suspendu, en colère dénoncent la forfaiture du chef intérimaire et de son camp. Les éclats de voix montent, c’est le tohu-bohu total. Le Préfet est tiraillé dans tous les sens, un peu désabusé. Il retourne dans son command-car, en position départ. Plusieurs autres villages l’attendent pour cette visite. Le commissaire Yéo de Bingerville, membre de la délégation du Préfet tente de ramener les deux parties à la raison. Il réussit sa mission et fait appel à l’autorité préfectorale. Vincent Toh Bi descend, toujours déterminé à entendre les deux parties. Finalement, la rencontre ne se tiendra pas sous les bâches mais debout dans la rue, dans un espace à équidistance des deux lieux prévus par les protagonistes. Vieux, jeunes, hommes et femmes des deux camps, tous arrêtés autour du Préfet pour faire valoir leurs arguments. Mais avant, Vincent Toh Bi n’a pas manqué de leur exprimer sa déception face à ce spectacle déshonorant mais aussi les conséquences de leur désunion. « Le ministre de la Construction m’a écrit pour dire qu’il ne reconnait pas la signature du chef. Le village doit avoir un chef en qui tout le monde se reconnait et dont la signature compte pour pouvoir continuer vos activités. Mais je constate que le village n’arrive pas à s’entendre. Je veux que vous soyez unis pour vivre dans la paix. Je vous attends », a lancé le gouverneur Toh Bi Irié à l’endroit des populations et leurs notables. Dans sa version, le camp du chef intérimaire soutient que le chef suspendu et ses partisans ne le laissent pas travailler dans la paix. « Ils nous violentent, nous menacent à longueur de journées et s’en prennent à nos biens. Ils ont organisé une guérilla villageoise. Ils ne peuvent pas continuer à prendre le village en otage », accuse-t-il. Ce que rejettent le chef Edouard Anoman Badiglon et ses partisans, accusant le camp du chef intérimaire de vouloir le destituer au lieu d’aider à régler le problème. Le chef Edouard Anoman Badiglon affirme avoir mené plusieurs démarches envers l’autre camp mais qui sont restées infructueuses. « Il n’y a pas de problèmes de personnes dans le village. C’est plutôt la destitution du chef qui les intéresse. On doit régler le problème de la personne qui a qualité pour cosigner les actes de lotissement avec le chef. On veut qu’ils choisissent quelqu’un pour cosigner les papiers avec le chef. C’est suffisant pour nous. On ne peut pas accepter la destitution du chef Edouard Anoman Badiglon », propose le chef et ses notables. Mais le chef intérimaire refuse cette proposition. Séance tenante, les deux chefs (intérimaire et le suspendu) sont appelés à un conciliabule par le Préfet dans une cour d’à côté. La réunion se tient toujours débout. Quelques minutes plus tard, aux environs de 14 heures, la rencontre est terminée, la joie dans le camp du chef suspendu mais pas destitué, précision faite par le Préfet. Les deux parties devront repartir chez le Préfet avec des propositions concrètes pour le retour définitif de la paix à M’batto-Bouaké. Vincent Toh Bi leur a recommandé de s’entendre pour que la sanction du chef soit levée, le plus tôt possible.
Le mardi 21 juillet 2020, Edouard Anoman Badiglon a été suspendu de ses responsabilités de chef du village de M’batto-Bouaké par le Préfet d’Abidjan qui s’est fondé sur un rapport du 13 juillet 2020 du Sous-préfet de Bingerville. Celui-ci invoque une plainte contre le chef pour vente illicite de terres et abus de biens sociaux. Ce que contestent les populations dans leur majorité, citant plusieurs réalisations à l’actif du chef suspendu. Depuis sa nomination, Edouard Anoman Badiglon a fait construire des écoles dont une maternelle, un foyer polyvalent, une maison digne de la chefferie, un centre de santé, une maternité, des logements pour infirmiers, sages-femmes et maîtresses, l’extension du réseau électrique avec des poteaux en béton. « Ce qui suscite la jalousie de certaines personnes qui n’ont rien fait quand elles occupaient ce poste. Un tel chef mérite soutien et non une suspension », martèlent les populations.
A.K.