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C'est Henri Konan Bédié, qui a eu raison sur toute la ligne. "La politique est l'art de l'impossible," soutenait-il pour justifier son rapprochement improbable et éphémère avec Alassane Ouattara.

À cet effet, les armes peuvent, aussi bien réunir que s'introduire entre l'arbre et l'écorce. Et craqueler les unions de façade. Et ainsi, les meilleurs alliés peuvent devenir les pires ennemis, déterminés à en découdre.

L'est de la RDC, riche région minière, est à feu et à sang avec la prise de Goma, capitale provinciale. Corneille Nangaa, chef de l'Alliance politico-militaire avec la rébellion du M23, assume. "Je dis que j'ai créé un monstre parce que j'étais président de la CENI," s'est-il mis à table avant de vouloir retrouver la peau du redresseur de torts: "Si j'ai créé un monstre, il m'appartient, à moi, de le défaire."

Comme deux larrons en foire, Corneille Nangaa, président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI, photo), et le candidat Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo ont, en effet, usé de "technologie électorale" pour inverser les résultats de l'élection présidentielle du 30 décembre 2018, au détriment du vainqueur du scrutin Martin Fayulu et au grand dam de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO).

Depuis le 15 décembre 2023, le divorce est consommé. Nangaa, désormais réfugié en Ouganda, a porté sur les fonts baptismaux cette Alliance politico-militaire qui sévit au nord-Kivu, le ventre mou de la RDC. C'est le prologue d'une course dont la destination finale annoncée est Kinshasa, donc le renversement des institutions républicaines.

Nangaa n'a pas inventé l'eau chaude. Il s'inspire de l'expérience de l'Alliance des forces démocratiques de libération (AFDL) de Laurent-Désiré Kabila qui, bénéficiant des appuis logistiques, militaires et politiques des mêmes parrains ougandais et rwandais, a renversé Mobutu Sese Seko, le 16 mai 1997.

La Côte d'Ivoire aussi vit son divorce spectaculaire au sommet entre ses oiseaux de même plumage. Sous le pouvoir de Laurent Gbagbo, l'union sacrée a été scellée entre Alassane Ouattara, président du RDR qui ne pouvait briguer aucun mandat électif, et Soro Kigbafori Guillaume.

Chef d'une rébellion armée en provenance du Burkina Faso, l'ancien leader de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d'Ivoire (FESCI) a occupé le nord du pays à partir du 19 septembre 2002, avec le soutien de la communauté dite internationale, à l'effet de harceler Gbagbo et attaquer son régime pour un unique objectif: la prise du pouvoir par l'allié Ouattara.

Bombardé par les Casques bleus de l'ONU et les soldats français de l'opération Licorne, qui appuyaient la rébellion armée, Gbagbo est éjecté du pouvoir en avril 2011 et Ouattara, installé à l'issue de l'élection présidentielle controversée du 28 novembre 2010.

Et c'est cette même controverse qui va opposer et déchirer les vainqueurs militaires. Après deux mandats d'Alassane Ouattara (2011 à 2020), au cours desquels Soro a assumé les fonctions de Premier ministre et de président de l'Assemblée nationale, l'ancien chef de guerre a voulu briguer la magistrature suprême, en 2020; l'appétit venant en mangeant.

Crime de lèse-majesté. La paix des braves a alors volé en éclats et Soro, l'ancien allié, est devenu un pestiféré. Comme Nangaa en RDC. Dans le collimateur de la justice, il est pourchassé. Condamné à la prison à perpétuité, il vit en exil politique, depuis décembre 2019, dépouillé de ses droits civils et politiques.

« C'est le caïman sorti de notre pipi qui veut nous avaler », fustigent ses détracteurs de la Case (symbole du RDR), pour mettre la tête à prix de celui qu'ils ont baptisé le "Sauveur" dans la guerre contre Gbagbo. Alea jacta est.

Une contribution de F. M. Bally