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Dans une interview réalisée par radio-ci,  Fadel NDIAME, le Directeur Régional Afrique de l'Ouest d'AGRA, présente les enjeux du Forum sur la Révolution Verte en Afrique (AGRF) et surtout le choix de l'organisation dudit forum à Abidjan.

 

Monsieur  Fadel NDIAME Bonjour, c’est quoi la révolution verte ?

Bonjour Monsieur, la révolution verte c’est une transformation significative de l’agriculture qui se traduit par des rendements beaucoup plus élevées pour les petits producteurs, la capacité à générer des excédents de productions qui peuvent être transformées et vendues sur le marché pour plus de revenu.

La notion de révolution est utilisée pour dramatiser le changement qualitatif et quantitatif en thème de productivité.

Le forum 2017 de cette révolution verte se tient à Abidjan cette année, est ce qu’il y a des enjeux particuliers ?

Il y a plusieurs enjeux particuliers. Il faut rappeler que c’est la 7ème édition de AGRF qui est le forum sur la révolution verte en Afrique, c’est la toute première fois qu’un tel forum se tient dans un pays francophone. L’objectif principal c’est de rassembler dans une salle, dans une ville les principaux protagonistes de l’agriculture, depuis les Chefs d’Etat, les investisseurs, les Ministres, les producteurs, les entrepreneurs pour avoir une  discussion très franche sur les conditions à mettre en place pour que l’agriculture africaine réalise son potentiel.

C’est quoi d’abord son potentiel aujourd’hui en 2017 ?

En 2017, nous avons la majorité des terres cultivables dans le monde se trouvent en Afrique, la majorité de nos populations sont dans l’agriculture, pourtant, nous continuons à importer de la nourriture donc le grand défi, c’est de mobiliser la science, la technologie et les méthodes d’organisation les plus efficaces pour permettre à notre agriculture de produire plus, mieux, de transformer et de vendre. Comme vous vous rendez compte, à chaque fois que nous vendons un produit brut  comme le café, le cacao ou l’arachide, à d’autres pays qui le transportent, le transforment et nous le revendent, nous exportons des emplois et nous exportons de la valeur qui pouvait être gardée sur le territoire national.

L’enjeu principal, c ’est de s’assurer que nous produisons localement, nous transformons, nous mettons en marché et nous capturons la plus grande partie de la plus-value dans le pays pour permettre aux acteurs ivoiriens depuis les  producteurs ,les transformateurs et les distributeurs de garder la plus grande partie du revenu générée, cela permet à l’Etat de dégager  des taxes, de faire des investissements et de promouvoir le développement du pays au-delà de l’agriculture.

Tout ceci renvoi au fait que la manière la plus efficace de conduire et d’accélérer le développement économique dans le monde, c’est à partir de l’agriculture ,du fait Nombre de personne indiquée mais du potentiel d’enseignement de l’économie aussi de toute la  chaîne de valeur  au-delà de la production directe, il y a tout ce qui est amont, depuis la recherche, générer les technologies les plus efficaces mais aussi générer des intrants, avoir des industries qui sont spécialisées dans la production, de semence, de l’engrais, les pesticides , la mécanisation, la transformation, le stockage  et la distribution c’est donc tout une chaîne d’activité qui génère de l’emplois et de la valeur ajoutée et probablement le secteur le plus important de notre économie.

Qu’est ce qui s’est passé d’un forum à un autre de 2016 à 2017, qu’est- ce qu’on a noté véritablement

En 2016, il y a eu un regroupement extraordinaire en Nairobi et le thème principal était en anglais ‘’Seize the Moment” c’est-à-dire tout le monde a réalisé que l’agriculture est vraiment le secteur qui va faire la différence et concrètement, il y a eu des engagements financiers de l’ordre de 30 milliards de dollars américains que différentes institutions publiques et privées se sont engagées à investir dans l’agriculture, en reconnaissance du fait que c’est le secteur moteur, ce n’est pas un secteur de la charité, c’est un secteur dans lequel on investit pour gagner de l’argent et créer de la richesse.

Le défis d’Abidjan est qu’il fallait venir dans un autre  pays  qui est le porte -drapeau de cet enjeu , le prolonger dans l’espace francophone, d’abord s’assurer que ceux qui ont promis  sont en train de le faire, c’est un premier défis de redevabilité, de compte rendu ensuite de mobiliser plus de ressources pourquoi ? Parce que les investisseurs auront vu en Côte d’Ivoire une volonté politique, des conditions économiques et sociales qui rassurent qu’en fait le pays est prêt non seulement pour faire avancer sa propre agriculture mais pour montrer le chemin au reste du continent.

A combien est  ce que vous avez estimé ces ressources à mobiliser ?

On a eu 30 milliards de dollars en 2016, la Côte d’Ivoire doit battre le record non seulement en thème de mobilisation d’argent mais  en thème de participation. Comme je vous l’ai dit, en 2016, il y a eu 2 Chefs d’Etat et 2 anciens Chefs d’Etat, des dizaines d’investisseurs du monde entier, des Chefs d’Institutions de financement, comme la Banque Africaine de Développement, la Banque Mondiale, la FAO etc… Ces organisations ont pris des engagements. Cette année battre le record veut dire faire venir plus de 2 Chefs d’Etat, faire venir une trentaine de Ministres de l’agriculture et des finances, s’assurer qu’il y a des investisseurs publics et privés, s’assurer que les producteurs, les jeunes, les femmes, les transformateurs sont dans le forum et peuvent faire valoir aussi leurs idées, faire valoir leurs projets, parce que le thème principal qu’il est possible grâce à l’agriculture  aux  petits producteurs de bâtir des économies plus inclusives qui soient capable de générer de l’emplois pour accélérer la croissance de nos pays, c’est cela le défis principal de AGRF 2017.

C’est un double défis et pour les autorités d’Abidjan et pour AGRA ?

Absolument, maintenant l’enjeu principal pour AGRA, qui est une organisation internationale africaine dont la vocation principale est de  soutenir l’agriculture, surtout la petite agriculture, de s’assurer que les producteurs, ce n’est pas uniquement une histoire de tradition, ce n’est pas une histoire de suivi mais que c’est une activité lucrative, rentable qui est capable de payer son homme et sa femme, l’ un des repères c’est que vous et moi et les plus jeunes sont prêts après avoir étudié à revenir investir dans l’agriculture parce qu’ils  sont à mesure de gagner de l’argent et contribuer à la richesse nationale. C’est cela le grand défis, pendant 10 années AGRA a travaillé en partenariat , donc nous sommes  en partenariat avec l’Etat avec des Institutions, des bailleurs de fond, avec des producteurs, avec des organisations de producteurs pour créer les conditions d’une transformation réussie de l’agriculture, cela veut dire concrètement s’assurer que nos producteurs ont les informations, les technologies et opèrent dans un cadre politique favorable pour leur permettre de produire, avoir accès aux intrants de qualité , de produire, de ne pas perdre leur production à cause des pertes post récolte , de mettre sur le marché et de gagner de l’argent.

Quand un pays comme la Côte d’Ivoire s’est engagée pendant plusieurs années sur le binôme café- cacao pour financer son développement, est ce que vous pensez qu’en 2017, cette vision reste encore d’actualité

Vous me permettez d’abord de dire pourquoi nous avons choisi la Côte d’Ivoire. C’est une reconnaissance que le potentiel agricole de la Côte d’Ivoire est reconnue et colossal.

Vous l’avez dit le  binôme   cacao –cacao a donné à la Côte d’Ivoire les moyens de générer beaucoup de valeurs et d’investir dans l’économie, de créer des infrastructures, d’éduquer les ivoiriens et de faire démarrer l’économie. Le secret qui a été utilisé dans le secteur du café et du cacao doit s’élargir aux autres cultures surtout les cultures vivrières, parce que même si on gagne de l’argent avec ces produits et qu’on est obligé d’acheter du riz ou d’importer du maïs, on n’a pas vraiment exploité le potentiel. Le café et le cacao ont marché parce que c’est une filière organisée, il y a des producteurs organisés et des filières organisées ; il y a eu des politiques agricoles mises en place, il y a des structures d’appui pour donner du  conseil rural et du financement  qui ont été  mis en place , c’est exactement ce dispositif qu’il faut bâtir autour des autres cultures, pour s’assurer que le mil, le maïs, l’igname sont des cultures vivrières sur lesquelles  reposent non seulement la sécurité alimentaire mais le revenu de la majorité des ivoiriens et les producteurs africains sont également soutenues de la même manière et mieux donc je sais qu’avant on a parlé du miracle ivoirien, il faut élargie ce miracle et faire que cela aille au-delà du café et du cacao. Il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain, les choses qui se sont bien faites avec le café et le cacao doivent être consolidées et élargies afin de faire bénéficier à toute l’agriculture. Ce qui n’est possible qu’avec une politique agricole et comme leadership dont la Côte d’Ivoire a fait montre, je dois le dire est l’une des raisons pour lesquels le Ministre de l’agriculture d’abord, les autorités politiques  depuis le Chef de l’Etat, le Premier Ministre, la manière dont l’agriculture a été mise au centre de l’économie et la manière dont elle est  pilotée  par les différents ministères en particulier le Ministère de l’Agriculture et du Développement Rural font aujourd’hui de la Côte d’Ivoire le champion qui peut porter la voix d’une transformation agricole inclusive capable de créer des emplois et de nous permettre d’atteindre nos objectifs, la sécurité alimentaire soutenue.

Quelle est la place de l’industrialisation dans le rendez-vous d’Abidjan ? Parce que je crois savoir que les Pays de l’AGRA veulent évoluer ensemble encore là est ce que cela est possible

C’est totalement possible d’abord j’aime bien  l’accent que vous mettez sur la l’industrialisation, ce qui veut dire partir du produit brut, transformer, ajouter de la valeur pour les vendre. Ce qui veut dire que sans industrialisation nous ne réaliserons pas nos potentiels. De toutes les activités qui se passent de la production donc, on ne peut réussir que s’il y a une articulation très serrée entre les différents secteurs.

L’agriculture au sens large, l’industrie, le commerce ce qui veut dire aussi que les structures de financement soient également impliquées.

C’est toute la chaîne qu’il faut gérer, depuis les intrants, l’aspect industriel, les engrais, c’est de gros investissements. Nous parlons de semences améliorées, c’est-à-dire qu’il y a des compagnies qui sont à mesure de récupérer les résultats de la recherche et de le mettre à la disposition des producteurs même dans les coins les plus reculés.

Donc cette chaîne des valeurs est possible que si vous avez des infrastructures, c’est en  cela  que les efforts que les Etats font en faisant des routes, des pistes rurales, des aménagements hydro-agricoles représentent les conditions nécessaires pour que l’activité agricole puisse se dérouler. De la  même  manière ont dépense beaucoup d’argent dans les investissements mais si les producteurs n’en tirent pas  profit, on perd,  donc  tout le monde gagne à ce qu’il y ait une articulation autour du secteur en Côte d’ivoire, nous avons de très bons exemples.

L’AGRA c’est combien de pays ?

AGRA c’est toute l’Afrique mais comme on ne peut pas tout faire en même temps, dans un premier temps, nous étions dans 18 pays,  après 10 ans nous avons eu assez d’expériences qui nous permettent maintenant d’aller à l’échelle continentale. Donc on a ciblé 11 pays, 4 sont en Afrique de l’Ouest, les autres sont en Afrique de l’Est et Afrique Australe. Nous espérons qu’après AGRF 2017, la Côte d’Ivoire représentera le 12ème pays.

En Afrique de l’Ouest, nous sommes déjà au Mali, au Ghana, au Burkina Faso et au Nigéria. Nous mettons l’accent sur le partenariat. Nous sommes en partenariat avec le NEPAD, la BAD qui est l’une des institutions clé qui est ici à Abidjan dont la vocation est de porter la transformation de l’Afrique, au-delà de l’agriculture, de l’industrie, de l’énergie, la nutrition, il y a beaucoup d’autres questions que la BAD est en train d’aborder mais l’agriculture demeure au cœur de toutes ses activités.

Cela nous amène à retourner au deuxième volet de ma question de tout à l’heure et c’est là que nous allons terminer justement. Comment des pays qui n’ont pas les mêmes potentialités peuvent-ils être appelés à évoluer ensemble.

En Côte d’ivoire, nous rappelons bien du terme détérioration des termes de l’échange et ce terme venait du père de la nation ivoirienne, un grand leader africain qui est le principe de détérioration des termes de l’échange, la réalité c’est qu’aujourd’hui nous exerçons dans un monde globalisé, cela veut dire que c’est le rapport de force qui va compter. Pour vous donner un exemple très simple. Si la Côte d’Ivoire ne produit pas assez d’engrais, si elle décide de produire ou d’acheter, le Mali, le Ghana, le Nigéria font la même chose, chaque pays  passe sa commande, affrète des bateaux, achète et ramène. Si ces pays se mettent ensemble pour faire les achats, ils auront un meilleur rapport de pouvoir, ils pourront négocier.

L’autre côté c’est que les pères fondateurs se sont donnés des organisations régionales. Aujourd’hui, je dois dire que la CEDEAO est probablement l’une des  organisations régionales la plus avancée en termes de libre circulation des personnes et des biens, mise en place de politique agricole partagée qui fait que vous pouvez produire en Côte d’Ivoire et vendre au Ghana et vice versa, c’est  en cela que mutualiser nos efforts nous rendra plus forts de mon point de vu. L’Afrique pourra avancer que si nous mutualisons nos forces. La Côte d’Ivoire peut au-delà de ses  frontières montrer les voies et moyens par lesquels nous pouvons promouvoir la transformation de l’Afrique. Voici pourquoi nous misons  sur le rendez-vous d’Abidjan. Le Ministre de l’Agriculture a lancé un défi parce que après Nairobi, on  a demandé si la Côte d’Ivoire s’engage, il nous a dit, si vous voulez voir une expérience réussie de transformation agricole, venez en Côte d’Ivoire. Le monde entier viendra regarder ce que les éléphants savent faire.

 

A.A.

Source : Sercom Minader