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Tapé Do s’est prononcé sur la situation du jeune ivoirien Richard Kouassi qui à l’aide d’une banderole réclamait la libération de Laurent Gbagbo. Il en a profité pour jeter un regard sur l’intervention de la Banque Mondiale dans la gestion de la filière café-cacao. Entretien.

 

Comment vont vos activités dans la filière café-cacao ?

Il n’y a rien à signaler pour l’instant. Je suis président d’une coopérative à Issia. Je peux vous rassurer qu’elle se porte bien. Mais ce n’est pas la filière qui m’intéresse en ce moment.

 

Quelle est alors votre préoccupation?

Je voudrais me prononcer sur l’acte du jeune ivoirien qui, à l’aide d’une banderole a demandé la libération de Laurent Gbagbo au stade Félix Houphouët-Boigny lors de la dernière journée des éliminatoires du mondial 2018, le 11 novembre dernier. Je voudrais condamner cet acte parce que le moment a été mal choisi pour poser cet acte. Il s’agissait d’un match international et tout le monde entier suivait la Côte d’Ivoire, ce jour. C’est ce moment qu’il utilise pour poser cet acte. Ce n’est pas normal. Ce sont des actes qui retardent la réconciliation. C’est au cours d’un meeting qu’on peut réclamer la libération de Gbagbo et non au stade. L’emprisonnement de Gbagbo n’est pas un jeu pour qu’on en parle comme ça. La réconciliation et la paix intéressent tout le monde. Il ne faut donc pas la compromettre. Voyez, tous les chefs canton d’Issia ont participé à une tournée du chef de l’Etat à Touba, Makono et Man pour dire aux Ivoiriens que le peuple Bété est résolument engagé dans la réconciliation.

 

Mais, certains Ivoiriens apprécient l’acte qui a été posé par ce jeune puisque des avocats ont librement accepté de le défendre…

Oui je le sais. Même si c’est Ado qui était à la CPI, ses partisans allaient faire autant. Mais nous allions toujours condamner cet acte parce que le lieu a été mal choisi pour réclamer la libération de son mentor. Je qualifie ce comportement de provocations. Il faut éviter cela. Je voudrais profiter de cette tribune pour me prononcer sur le conflit à l’Ouest. Voyez, nous avons vécu en bonne intelligence avec nos frères venus d’ailleurs. Avec cette cohabitation, il y a eu du métissage parce qu’il y a eu contact entre les groupes ethniques. Il faut donc éviter les affrontements et respecter les contrats qui lient ces peuples. Je salue le gouvernement qui est en train de prendre des mesures pour y imposer la paix. A l’Ouest, un homme peut tuer un autre par sorcellerie ou commettre un meurtre. Quand celui-ci reconnaît son forfait, les familles s’asseyent pour discuter et enfin de compte, on pardonne. Cela s’observe chez les Bété, Gouro, Kroumen, Guéré entre autres. Le pardon doit être au cœur de nos activités. Voici ce que je voudrais vous confier. J’en ai terminé.

 

Président prononcez-vous un peu sur la filière…

Non, j’ai fini.

 

Mais on vous accuse de ne pas donner des conseils aux plus jeunes qui sèment les troubles dans cette filière…

J’ai toujours demandé aux syndicalistes que ce ne sont pas dans les bruits que la filière peut bien se porter. Je n’ai jamais soutenu les syndicalistes car moi-même j’ai été victime de leurs comportements. J’ai toujours dit aux producteurs que ni le gouvernement ni les gestionnaires de la filière ne sont pas nos ennemis. J’ai toujours demandé qu’il faille les soutenir. Mais, des syndicalistes zélés ont toujours fait ce qu’ils veulent. Ils ont fait des tapages contre Touré Massadjé. Elle est partie. Maintenant, il nous appartient de soutenir le nouveau Directeur Général pour réussir sa mission. S’il réussit, ce sont les producteurs qui en bénéficieront. Il ne décevra pas parce qu’il connaît bien la maison. C’est un ancien de la Caisse de Stabilisation et de la filière.

 

Auriez-vous tenu une réunion avec les producteurs récemment ?

Oui, je vois. Vous parlez de la rencontre d’Issia qui s’est tenue du 4 au 5 novembre dernier. Effectivement, j’ai invité tous les producteurs du Grand-Ouest pour discuter avec eux parce qu’ils trouvent des bouc-émissaires concernant les difficultés éprouvées par certaines coopératives. Je leur ai demandé de se mettre ensemble pour créer des unions coopératives et respecter le programme du gouvernement qui consiste à faire le recensement des producteurs. Tant que les producteurs ne sont pas recensés, ils ne pourront pas s’organiser au sein d’une interprofession. C’est cette vérité que je leur ai dite. Et cette interprofession n’est pas pour maintenant. Il faudra encore attendre après 2020 parce que le recensement n’est même pas fait. Je voudrais profiter pour saluer Bamba Mamadou qui nous a soutenus pour tenir cette réunion.

 

 2020, n’est-ce pas trop long pour la création du collège des producteurs ?

Il y a trop de désordre au sein des producteurs. Vous voyez des producteurs comme Zogbo Raphaël et Bernard Kouamé n’arrivent pas à accorder leur violon sur le processus de la mise en place du collège des producteurs. Il existe deux entités qui se battent. Ce sont toujours les divisions. Nous apprenons contre toute attente qu’un responsable d’une organisation de banane et d’ananas s’est introduit dans le débat de l’interprofession du café-cacao. C’est surprenant que la filière café-cacao soit contrôlée par la filière fruit.  Ensuite, certains producteurs confient le destin de l’interprofession des producteurs à la Banque Mondiale. Ce n’est pas la Banque Mondiale qui doit dire aux producteurs de créer une interprofession. Les producteurs doivent plutôt écouter les conseils du gouvernement. Nous avons l’impression que la Banque Mondiale fait du chantage au gouvernement. Pourquoi dit-elle qu’elle ne finance pas la filière tant que le gouvernement ne la remette pas aux producteurs. Cette institution joue un double jeu. Quand elle constate que les paysans gèrent la filière et qu’ils s’en sortent, elle demande au gouvernement de la reprendre. Si c’est le gouvernement qui gère et qu’il engrange de l’argent pour le développement du pays, la Banque Mondiale demande au gouvernement de la remettre aux producteurs. Elle doit arrêter de faire ce jeu car pour finir, elle ne veut pas que l’argent du cacao profite à la Côte d’Ivoire.  C’est le gouvernement qui a décidé de la création de l’interprofession. L’Etat attend les paysans pour la mise en place du collège des producteurs certes, mais cela ne doit pas se faire dans le désordre. Nous avons la chance d’avoir un Premier Ministre qui connaît bien le secteur. Les paysans devraient profiter de sa présence pour réussir l’organisation de leurs activités. Mais, on constate malheureusement que c’est avec la Banque Mondiale que certains producteurs composent. Ce n’est pas normal. Pourquoi ne pas solliciter l’aide du Premier Ministre ? La Banque Mondiale n’a pas le droit d’imposer des choses au gouvernement concernant l’interprofession. Pourquoi peut-elle dire qu’il faut forcement que le gouvernement remette la filière aux paysans avant qu’elle n’apporte son financement. Il faut arrêter ce chantage, ça suffit. Le gouvernement est notre tuteur. Tout doit passer par les autorités pour notre bonne organisation.   

Entretien réalisé par A.K.