Côte d’Ivoire / Les autorités s’avouent impuissants devant le phénomène de l’orpaillage clandestin dans le nord du pays
Si l’on y prend garde, la pratique artisanale de l’exploration minière
va engendrer d’énormes catastrophes environnementales et humaines dans
plusieurs régions du nord de la Côte d’Ivoire. En effet, si jusque-là
les clandestins exerçaient leur activité dans les champs, force est de
constater que les chercheurs d’or exercent désormais leur activité
dans des villages. Ces aventuriers venus des pays de l’interland et
soutenus par des autochtones de la région du Porô et de la Bagoué
font la pluie et le beau temps. En marge d’une mission à la mine d’or
de Tongon non loin de M’Bengué, le constat fait sur le terrain n’est
pas du tout reluisant. Impuissante face à la propension que prend
cette affaire, l’administration centrale accuse. « L’orpaillage
clandestin, c’est une réalité. Tous les villages du département de
Boundiali sont concernés et même toute la région de la Bagoué », s’est
inquiété Gueu Georges Gombagui, préfet hors grade, préfet de la région
de la Bagoué, préfet du département de Boundiali. Le 24 avril dernier,
le représentant du président de la République a affirmé que cette
activité occupe plus de 300 000 personnes dans la région. Selon lui,
la lutte contre l’orpaillage est difficile du fait de l’adhésion des
populations.
Les orpailleurs clandestins menacent les mines
Seydou Nord, un site d’orpaillage situé 6 à 7 km de la mine de Tongon
est envahi par quelque 500 personnes qui s’adonnent à l’activité
d’orpaillage sur cette carrière localisée dans le campement de
Ziévogo, dans le village de Kofiplé (sous-préfecture de Diawala,
département de Ouangolodougou).Sur cette mine de Seydou, les
ressources sont estimées à 70 000 onces, selon les dernières
estimations de 2016, révèle Kouadjo Alain. Les orpailleurs illicites y
exploitent déjà le précieux métal jaune. Amadé, le « patron » de la
carrière de Seydou explique que le même gramme vendu à 12500 F CFA
en Côte d’Ivoire est vendu à 30 000 FCFA au Burkina Faso. Dans le
village de Fodio, à une trentaine de kilomètres de Boundiali, au moins
4 000 personnes s’adonnent à l’orpaillage clandestin dans une carrière
située non loin. Si l’équipe de journalistes a renoncé, le 24 avril à
s’y rendre après près de trois heures d’un périple parti de Tongon à
cause du climat d’insécurité qui s’y règne, le constat est clair dans
le village.
Retour en force du phénomène de recolonisation
De 2013 à 2015, des opérations de déguerpissements se sont déroulées
sur les sites d’orpaillage clandestin. Mais, quelques mois après la
fermeture des sites d’exploitation illégale de l’or, il y a eu un
phénomène de recolonisation avec la complicité des villages d’accueil,
déplore le préfet de Mbengué, Claude Djiké, interrogé le 23 avril 2017
à Tongon. Insistant sur la complexité du phénomène, le préfet de
Mbengué, un département qui compte sept sites clandestins, estime que
« force doit rester à la loi » pour faire respecter les droits des
compagnies agréés qui se voient spolier de leur propriété par des
clandestins sans foi ni loi. Pour faire face à la menace,
l’administrateur civil propose une alternative. Soit la création d’une
brigade mixte dédiée à la lutte contre l’orpaillage illégal (en
étude), soit le retour de la légion de gendarmerie de Korhogo sur les
sites concernés, dit-il, annonçant des réunions en cours pour cela. «
L’Etat a les moyens de faire fermer les sites. Nous viendrons à bout
de ce flux et reflux. Le temps de la sensibilisation est finie, arrive
celui de la répression », martèle le préfet de Mbengué.
A.A.
Envoyé spécial dans la région du Pôro