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La situation des entreprises ivoiriennes n’est pas du tout reluisante. Dans cette interview, Jean Marie Koné, président du Forum des chefs d’entreprise de Côte d’Ivoire (FCE-CI) évoque leurs difficultés et interpelle l’Etat sur son rôle vis-à-vis du secteur privé.

 

 

Quelles sont les missions assignées au Forum des chefs d’entreprise de Côte d’Ivoire (FCE-CI) ?

 

Le Forum des Chefs d'Entreprise de Côte-d’Ivoire (FCE-CI) a été créé en octobre 2016 par un groupe de patrons. Il veut contribuer à l’instauration de l’esprit d’entreprise au sein de l’économie ivoirienne, et défendre les intérêts des entrepreneurs. Jean Marie Koné, jeune entrepreneur ivoirien et PDG de TECHNOPOLE Holding  en est le premier président.

L’association est ouverte aux entreprises privées ivoiriennes, aux entreprises étrangères de droit ivoirien et aux entreprises publiques. En mai 2017, le FCE-CI revendique 400 entreprises adhérentes de tous secteurs confondus.

 

Alors qu’il y la Fédération ivoirienne des Petites et Moyennes Entreprise(FIPME), la Confédération Générales des Entreprises de Côte d’Ivoire(CGECI), on se demande ce que le FCE-CI fera encore sur le terrain ?

Nous constatons évidemment aujourd’hui que plusieurs pays africains traversent une période difficile, mais le gouvernement et les entreprises ivoiriennes sont confrontés à leurs propres difficultés, il y a une pression à la baisse sur notre activité économique. Alors aujourd’hui, la plus grande urgence, c’est de rechercher la complémentarité, de travailler ensemble pour trouver une solution.

Avant que nous créons le FCE-CI, les entreprises étaient lourdement déficitaires, les emplois étaient menacés.

 

Qu’est-ce fait la particularité du FCE-CI ?

Il existe de très nombreuses associations qui apportent leur aide au développement local; la plupart sont connues et reconnues. Elles œuvrent souvent en collaboration avec des institutions en place.

Notre association différe un peu de celles-ci ; en effet, nous ne travaillons pas avec des institutions en place mais avec des entreprises de confiance qui sont des relais, des ponts entre ces entrepreneurs et nous.

 

Quels rapports entretenez-vous avec le patronat ivoirien ?

Nos rapports avec le patronat fonctionnent comme ça se doit, sans aucun problème

 

Peut-on dire aujourd’hui que l’environnement des affaires est propice à l’investissement en Côte d’Ivoire ?

La Côte d’Ivoire est classée à la 168ème place (sur 189). Notons que seuls trois pays d’Afrique subsaharienne entrent en tête du classement : L’ile Maurice à la 17ème place, le Botswana à la 45ème et la Namibie en 66ème.

Les difficultés d’accès aux finances sont aggravées par un mauvais cadre des affaires, en particulier pour les PME.

Sur les dix indicateurs DB, la Côte d’ivoire reste en bas des classements, sauf en ce qui concerne le taux de fermeture d’entreprises.

Le FCE-CI reste cependant optimiste pour le pays car son poids dans la sous-région, malgré l’instabilité politique de la dernière décennie, reste important et la Côte d'Ivoire demeure un moteur. Il dresse une liste de réformes nécessaires à la dynamisation de l’investissement privé dans le pays. Il propose de : définir un plan d’actions de réformes ; identifier les réformes prioritaires ; mettre en place une plate-forme de concertation permanente entre le secteur privé et le secteur public ; s’assurer d’un engagement fort du gouvernement et du secteur privé ; concevoir, valider et mettre en œuvre les réformes ; mettre en place un comité de suivi des réformes ; valider la bonne exécution des réformes ; évaluer périodiquement leur impact.

 

Certains chefs d’entreprises ivoiriennes dénoncent la propension de l’Etat à retenir les investisseurs étrangers au détriment des entreprises ivoiriennes. Quels commentaires ?

Les risques de fraude liés à l’attribution et à l’exécution des marchés publics peuvent intervenir à chacune des étapes importantes de la procédure : depuis la rédaction du cahier des charges ou le choix de la procédure d’octroi des marchés, jusqu’à l’exécution et le règlement des prestations.

Malgré de gros efforts investis notamment dans la refonte organisationnelle et la modification des codes des marchés publics, force est de constater que les procédures de contrôle faillissent au niveau tactique et pèchent quelque peu à prévenir ou détecter les indices élémentaires de fraude et de corruption à tous les niveaux du processus de passation et d’exécution des marchés publics.

 

On entend souvent dire aussi que quand on attribue les marchés aux entreprises ivoiriennes, le travail n’est pas bien fait ou encore que celles-ci n’ont pas les moyens qu’ont les entreprises étrangères. Quel est votre avis sur la question ?

Le FCE-CI propose des groupements forts d’entreprises privées pour contrer la concurrence étrangère et les mentors économiques nationaux (des autorités qui ont des sociétés privées et qui travaillent sous l’anonymat).

A vrai dire, rien ne va plus pour le secteur privé.

Les entreprises privées ivoiriennes «chôment», actuellement, que nous mettons le doigt sur le nouveau et pointilleux code des marchés publics et les cahiers des charges rigoureux qui font que la taille des chantiers ne leur permet pas de soumissionner, favorisant ainsi les entreprises étrangères à arracher les contrats. Le FCE-CI a proposé une alternative qui consiste à créer, «en toute légalité, des groupements d´entreprises privées pour faire face aux grandes entreprises étrangères de Chine et d´Europe et aux mentors économiques nationaux et tenter par-là de décrocher des marchés quelque peu porteurs sinon c´est la «mort lente» pour elles.

 

Pensez-vous que les entreprises ivoiriennes sont suffisamment protégées par l’Etat ?

Nous constatons «l´abandon» des entreprises privées par l´Etat, ce dernier «n´a pas pris en considération leur désastreuse situation économique et financière alors qu´elles arrivent à peine à se relever de la décennie noire». Durant cette période, peu d´occasions de réalisation et de travail étaient offertes pour des raisons de sécurité évidentes. Aujourd´hui, avec le plan de relance économique et les opportunités de travail qui se présentent, l´Etat qui les avait abandonnées, devrait les accompagner et étudier leurs préoccupations.

 

Quelles sont les difficultés auxquelles vous êtes confrontés ?

Nous décrions le manque de financement de leurs activités par les banques, la "rigidité fiscale" et le manque d’appui institutionnel qui les obligent à "fonctionner sous pression".

"Cette situation que nous vivons, c’est parce que notre Chambre de commerce est en léthargie depuis quelques années. Elle ne fonctionne pratiquement pas.

L'administration ivoirienne essaie de copier la rigueur de l'administration française de naguère. Non seulement le contexte ivoirien actuel est complètement différent de celui de la France des trente glorieuses, mais même si elle réussit, nous observons que la bureaucratie française a détruit le tissu économique français.

La Chambre de Commerce ne représente qu'elle-même et s'est sclérosée en une autre bureaucratie inappropriée pour la concertation nécessaire entre le législatif, l’exécutif et l’économique. Certes le politique doit se donner les moyens des ambitions qu'il affiche mais les entrepreneurs doivent aussi s'organiser en véritable force de proposition et de mise en œuvre et choisir des représentants compétents, dynamiques et responsables.

 

On vous voit que vous voyagez beaucoup à l’extérieur. Qu’est-ce qu’on peut retenir de ces nombreux déplacements ?

Oui, c’est vrai que je voyage beaucoup à la recherche des nouveaux partenaires car vous ne pouvez pas faire des affaires sans faire recours à l’extérieur.

En plus en dehors des missions du FCE-CI, je suis aussi chef d’entreprise qui a besoin de tisser des partenariats solides et c’est tout ça qui nous faire courir.

 

Votre mot de fin.

Aujourd’hui, plus que jamais, le FCE-CI est prêt et disposer à collaborer avec le secteur privé, à être à l’écoute de ses préoccupations et souhaits et à œuvrer pour son développement. Son rôle important de créateur de richesses s’associe parfaitement à la mission de développement économique et social de la Côte d’Ivoire.

Interview réalisée par T.A.