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Ce n’était jamais arrivé dans le monde arabe. Mounir Baatour avocat de 48 ans et co-fondateur d’une association de défense des droits LGBTQ est le premier candidat ouvertement homosexuel à se présenter à l’élection présidentielle de Tunisie.

Le jeudi 8 août 2019, Mounir Baatour l’annonçait sur son compte Twitter : il a officiellement déposé sa candidature auprès de l’ISIE (instance indépendante chargée des élections) à la présidence de la Tunisie dont l’élection est prévue le 15 septembre 2019. Il se réjouissait même d’avoir réussi à largement dépasser  le quota des 10 000 signatures nécessaires pour se présenter avec  19 926 parrainages vérifiés. Il lui faut désormais attendre le 31 août 2019 pour savoir si sa candidature fait partie de celles validées par l'ISIE pour l'élection.
Voici ce qu'il faut savoir sur ce premier candidat ouvertement gay à la présidentielle, loin de faire l’unanimité dans un pays où le Code pénal condamne encore l'homosexualité à "trois ans d'emprisonnement". 

Il est avocat et président du Parti Libéral 

Avant d’être homme politique, Mounir Baatour est avant tout avocat à la Cour de cassation. En juillet 2019 plusieurs de ses confrères avocats tunisiens avaient réclamé sa radiation en apprenant ses intentions de se présenter à la présidentielle. Selon eux, il porterait "atteinte à l’image du barreau". Il avait néanmoins reçu le soutien de nombreux avocats français qui saluaient son combat. Le 6 juillet 2019, une motion de soutien avait notamment été votée par le Conseil National des Barreaux à laquelle s’était associée l’Association française des avocats LGBT+.  Mounir Baatour est aussi à la tête du Parti Libéral et entend mettre au centre de son programme la défense des droits LGBTQ, de toutes les libertés individuelles et de l’égalité des sexes.


Il a été condamné en raison de son orientation sexuelle

En 2013 Mounir Baatour avait été arrêté et condamné à trois mois d’emprisonnement pour "sodomie" avec un lycéen de 17 ans. Il a toujours nié ces faits. Pour rappel, en Tunisie il existe des lois qui répriment la sodomie, des examens anaux forcés sont notamment réalisés pour déterminer s’il s’agit d’une "pratique habituelle".  Mounir Baatour a bien purgé sa peine mais celle-ci ne s’accompagnait pas d’une interdiction de se présenter, cela ne l’empêche donc pas d’être candidat à la présidentielle. 

Il a co-créé une association LGBTQ

En 2015, il a co-fondé Shams une association tunisienne qui milite en faveur des droits LGBTQ. C’est la première organisation de ce type inscrite dans le registre des associations tunisiennes. Sa création fait suite à une hausse des arrestations des personnes homosexuelles cette même année qui correspondrait selon l’association à l’arrivée des islamistes au pouvoir. L’objectif de Shams serait d’arriver à l’abrogation de l’article 230 du Code pénal et donc à une dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie. En 2017, Shams a réalisé un documentaire qui dénonçait le traitement des personnes LGBTQ en Tunisie. Celui-ci a beaucoup fait parler de lui et l’association a même reçu la grande médaille de la Ville de Paris.


Il a reçu un prix à l’Assemblée nationale

Le 17 mai 2018, journée mondiale de la lutte contre l’homophobie Mounir Baatour est invité à Paris et distingué à l’Assemblée nationale. Il se voit remettre le premier prix Idaho France pour la liberté en faveur du combat qu’il mène pour les droits des personnes LGBTQ notamment par le biais de son association. 


Il ne fait pas l’unanimité au sein de plusieurs associations LGBTQ tunisiennes
S’il ne fait pas l’unanimité au sein du pays auprès de nombreuses personnes en raison de son orientation sexuelle, il n’est pas non plus soutenu par beaucoup d’associations LGBTQ  tunisiennes. L’AFP rapporte que 18 d’entre-elles ont même lancé une pétition contre Mounir Baatour en juillet 2019 dans laquelle il est écrit : "nous ne soutenons pas la candidature de M. Baatour qui ne représente en aucun cas la communauté LGBTQ, ni notre mouvement en Tunisie". Celle-ci souligne aussi que l’avocat tunisien représenterait "une menace mais aussi un énorme danger pour notre communauté". Pour ces associations, Mounir Baatour surmédiatiserait trop les victimes d’actes homophobes sans nécessairement respecter leur anonymat. Elles évoquent aussi des plaintes pour abus sexuels de la part de mineurs, le concerné a démenti et répondu à Slate qu’il s’agissait de "diffamation".

Avec seneweb