La Chine, avant-garde de l’écologie réelle
C'est un fait connu : la Chine est confrontée à de nombreux de problèmes environnementaux. Évidemment on cite toujours le chiffre brut, jamais le chiffre par habitant (1)... mais il est désormais évident que le volontarisme de la Chine en matière de lutte contre la pollution de l'air et le réchauffement climatique, acté lors du Congrès du Parti communiste chinois en 2012, donne ses premiers fruits, qui sont de taille !
La Chine est en effet passée de la simple sanction financière des usines les plus polluantes (qui se maintient mais rencontre évidemment des freins locaux au niveau du secteur privé) au financement massif de vastes plans urbains de restauration de la qualité de l'air et de la biodiversité, ainsi qu'une politique opiniâtre de reconversion énergétique du territoire.
L'énergie propre
Concernant l'énergie, peu de personnes savent par exemple que des projets de centrales nucléaires chinoises reposaient initialement sur le principe de la « fission à sels fondus » (thorium) dont les Chinois furent les pionniers dans les années 70, s'opposant à celui de l'uranium (centrales nucléaires à hauts risques et à forte production de déchets radioactifs en France). Ce type de centrale (2), qui limite considérablement les déchets, n'est plus à l'étude en Occident faute de financement et sous la pression du lobby militaro-industriel : celui-ci recycle l'uranium appauvri pour l'armement, alors que les centrales à sels dissous n'en produisent pas, et utilise le même combustible pour les bombes atomiques. C'est faute de technologie que le pays a dû abandonner cette opportunité dans les années 70, mais la Chine a lancé en 2011 un projet de grande ampleur pour la mise en place de tels réacteurs, avec une ouverture prévue dans moins de vingt ans. Celle-ci ouvrira la voie d'une véritable révolution énergétique dans la région.
La Chine veut donc se doter d'énergies dites « propres » sur le plan des rejets de gaz à effet de serre (non produit par le nucléaire) et à haut rendement néanmoins, pour sortir de la très polluante industrie charbonnière qui domine encore le marché chinois.
La Chine s'est encore récemment illustrée en mettant en place cette année la première méga-centrale flottante à énergie solaire à Huainan dans la province de l'Anhui, et se place au premier rang mondial pour l'énergie hydroélectrique (renouvelable, non intermittente et sans déchet).
Des projets urbains de reboisement
Concernant les projets urbains, nous sommes face à une incontestable avant-garde : la Chine promeut dans plusieurs villes la construction de « villes-forêts » pour 2020, et ce n'est pas une « belle promesse », mais du concret ! La fameuse Liuzhou Forest City sera la première ville entièrement conçue pour l'amélioration de la qualité de l'air, de la biodiversité et les économies d'énergie. Elle pourra accueillir 35 000 habitants. Une ville similaire de 100 000 habitants est également prévue à Shijiazhuang, ainsi que deux grandes « tours forestières » dans la ville de Nanjing (prévues pour 2018), immeubles revêtus de 23 espèces d'arbres et de 2 500 arbustes.
Liuzhou Forest City abritera 40 000 arbres et plus de 100 espèces différentes, qui pourront accueillir la faune, notamment l'avifaune locale, et fournir à la ville une couverture thermique naturelle permettant des économies d'énergie l'hiver, et un ombrage suffisant l'été. Ce couvert végétal absorbera 1 000 tonnes de dioxyde de carbone par an et 57 tonnes de polluants, tout en produisant 900 tonnes de dioxygène. La ville sera entièrement autosuffisante sur le plan énergétique : l'énergie solaire et l'énergie géothermique en seront les ressources exclusives.
Grâce à la superposition des logements en tours, sa surface ne sera que de 175 ha pour laisser plus de place à la nature environnante, et elle sera connectée aux villes alentours par un réseau ferroviaire et routier entièrement électrique.
L'exemple de Liuzhou Forest City devrait nous faire réfléchir au-delà de l'anecdote. Propagande totalitaire ? Bluff géopolitique ? « Capitalisme vert » ? Nos écologistes occidentaux feraient bien de poser les questions qui s'imposent. À partir du moment où un pays s'est suffisamment développé économiquement (c'est le cas chez nous comme en Chine), pourquoi l'écologie politique se détournerait avec suspicion de tels « projets pharaoniques » « démesurés » (termes rencontrés dans la presse , ironique, mais forcée d'en parler) pour ne promouvoir que des solutions « familiales », « locales », au cœur d'un océan d'agrobusiness, de productivisme industriel débridé et de recherche capitaliste du profit maximum et immédiat ? N'est-il pas évident que les seuls projets viables et durables du point de vue de la protection de l'environnement à grande échelle ne peuvent s'appuyer que sur des politiques étatiques pensées, financées et planifiées par une économie nationale souveraine, jamais sur la libre entreprise et la concurrence inter-impérialiste ? N'est-il pas évident qu'à des échelles différentes, les seuls États à sortir du lot pour ce type de politique de protection environnementale soient Cuba et la Chine ?
Comme sur bien d'autres questions, de l'aérospatial aux grandes politiques industrielles dans les pays émergents, c'est bien le socialisme, c'est-à-dire la capacité d'investir massivement (et sans retour immédiat sur investissement), à l'échelle nationale et de façon directive dans des plans de protection des sols, des ressources énergétiques et de l'environnement naturel, qui s'avère le plus efficace et prometteur.
Même à un degré moindre, des pays ayant subi des reculs politiques liés à la disparition du camp soviétique dans les années 90, se placent d'emblée à l'avant-garde d'une véritable « révolution verte » dont nos militants écolo au sein des pays impérialistes se doivent d'étudier les résultats.
Notes :
(1) Huit tonnes de carbone produit par habitant et par an en Chine contre dix en Union européenne et vingt aux États-Unis.
(2) Dans le cas d'une surchauffe du réacteur des centrales fonctionnant sur ce principe, un système par dilution immédiate l'éteint instantanément via une réaction en chaîne provoquant la fonte d'un bouchon de contrôle : le sel fondu est à la fois le fluide porteur de chaleur et sa première barrière de confinement.
?GUILLAUME SUING est agrégé de biologie, professeur dans le secondaire et auteur d'un essai intitulé Évolution : la preuve par Marx (Éditions Delga 2016).