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Nous avons, après les différents hommages depuis la veillée jusqu'à à l'enterrement de Mgr Ahouanan, voulu avoir la réaction à chaud du journaliste écrivain, prêtre catholique et curé de la paroisse Saint Antoine de Padoue de Moosssou, père Basile Diané. Il nous livre ses sentiments.

« J'ai assisté, les larmes aux yeux, au départ éternel vers le père de ce grand serviteur de Dieu et de l'Etat de Côte d'Ivoire. Il a été président d'institution à la surprise de tous et même de ses confrères Évêques. Il voulait jusqu'au bout s'engager pour la paix et la réconciliation envers et contre tous. L'ancien président de cette institution, Charles Konan Banny, n'avait pas très apprécié cette nomination qu'il avait vu un peu comme une trahison selon certaines indiscrétions puisqu'ils étaient tous ensemble dans la première institution qui venait d'être dissoute. Pour revenir à mon ressenti, j'ai eu très mal de perdre mon professeur d'anthropologie au grand séminaire d'Anyama et en même temps, un grand maître à penser de notre sainte Église catholique en Côte d’Ivoire. J'ai encore plus mal qu'un mois avant sa mort, il a assisté à une conférence publique sur la pastorale ecclésiale que j'ai prononcée devant lui dans la cathédrale de la ville de Bouaké. Pendant plus de 2h 30, il est resté là, stoïque jusqu'au bout. J'ai profité pour lui rendre hommage pour son sens de l'église et surtout pour l'honneur qu'il m'a fait de m'écouter moi, son élève. Après la conférence, il m'a instruit sur un certain nombre de réalités pastorales et socio-politiques de la ville de Bouake voire de la Côte d’Ivoire. Mgr Ahouanan est un gros et grand sachant de l'histoire politique de la Côte d'Ivoire. J'ai essayé quelques fois de lui tirer les vers du nez chaque fois que l'occasion m'était donnée de le rencontrer en privé ou dans un cercle fermé mais il était très fin et diplomate. Même diminué physiquement, quand je l'ai rencontré à la faveur de la grosse crise du 3e mandat, il avait un certain nombre d'informations pertinentes et exclusives. J'ai senti plusieurs fois qu'il ne voulait pas parler maintenant pour ne pas froisser tant de personnes encore trop                         ‘’puissantes’’ assurément avec qui il avait au fil des années tissé des liens de famille. Or il fallait que Mgr parle un jour pour nous éclairer (enfin!) sur la rébellion surtout les soutiens occultes, "l'accrochage" entre les forces françaises et ivoiriennes qui a valu la destruction des aéronefs de notre pays et l'expédition punitive contre la population aux mains nues etc.

Il fallait que Mgr Ahouanan parle un jour pour nous éclairer sur les victimes de la crise pré et post-électorale. Qui sont les victimes qui ont été recensées et qui sont celles qui ont été indemnisées ou pas. Dans ce pays habitué malheureusement au mensonge et au faux en tout, la parole de ce prélat pouvait nous aider à éclairer une histoire biaisée et falsifiée de la Côte d'Ivoire devant nous tous, à nos yeux. Car, hier comme aujourd'hui, l'imposture continue et se propage comme une gangrène dans tout le tissu social et la forfaiture est célébrée. Dans cette crise de la Côte d'Ivoire depuis 2002 en passant par les derniers "grands morts "de 2020, il nous faut des sachants de poids et honnêtes pour dire la vérité pour la vraie libération et le début d'une réelle réconciliation basée sur la juste narration des faits réels et la reconnaissance, l'aveu sur ce qui s'est réellement passé. Pour avoir été introduit un peu dans le milieu de ceux qui étaient chargés d'écouter les victimes, j'ai vite compris que les bourreaux n'étaient pas forcément ceux que l'on désignait et pointait du doigt officiellement. C'est pour cela que je lutte modestement pour que s'arrête un jour la spirale du mensonge et du saupoudrage de la vérité. Mgr Ahouanan s'en va après le professeur Sery Bailly et Charles Banny. Ils en savaient beaucoup. Ont-ils laissé comme chez les européens des œuvres à titre posthume pour le rétablissement de la vérité ? Pas si sûr.

Au moment de la crise post-électorale surtout il était le médiateur entre les différentes parties protagonistes. C'était terrible. Il était tiraillé entre chaque camp et finalement le camp Lmp lui en voulait terriblement parce que selon eux, il n'a pas pris les bonnes décisions. Le camp Lmp voulait qu'il dise qui a gagné avec tricherie, avec ou sans tricherie, qui a aussi perdu avec ou sans tricherie. Un imbroglio pas possible. Un jour, je le rencontre dans le cadre de l'exercice de mes fonctions à l'époque dans les médias catholiques et je lui dis comme lui-même aime bien plaisanter: ‘’Mgr libérez-nous !’’.Je voulais qu'il tranche dans le vif face au péril qui guettait la nation et il lança avec un fou rire : "Mais Diané, vous êtes libérés ".

Il en savait beaucoup et un jour ou l'autre que les vraies versions de toute l'histoire récente de la Côte d'Ivoire soient connues et enseignées à tous. Il le faut.

Le temps où je sentais que Mgr Ahouanan pouvait se libérer du droit de réserve et parler, n'était plus très loin. Hélas ...

Mais vivement qu'advienne ce jour où la vérité nue sur la Côte d'Ivoire sera connue de tous pour faire naître la vraie Côte d'Ivoire de la vérité, de la justice et de la paix véritable. Merci à Mgr Ahouanan d'avoir fait ce qui était en son pouvoir pour que la Côte d'Ivoire ne disparaisse jamais comme l'avaient projeté beaucoup de vautours et de rapaces remplies de haine.

Que Mgr Ahouanan repose en paix !