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La Côte d'Ivoire a enregistré son premier candidat à la présidentielle du 25 octobre 2025: c'est Laurent Gbagbo.

En attendant la Convention ou un Congrès extraordinaire du PPA-CI pour son investiture, l'ancien président de la République (octobre 2000 - avril 2011) a dit "Oui", le 9 mars 2024, à la sollicitation du Comité central de son parti pour défendre ses couleurs.

« Je ferai de la politique jusqu'à ma mort », prévenait, le 17 octobre 2021, Laurent Gbagbo au lancement du PPA-CI pour bien refuser toute idée de retraite et garder intactes ses ambitions de reconquérir le pouvoir d'Etat.

Par conséquent, il ne veut rien lâcher dans sa quête. Et pour cela, il n'entend absolument pas que son nom soit conjugué au passé. Dans cette veine, il a fait trois victimes selon la formule: « Ou tu te soumets ou je te démets ».

La première est propitiatoire: c'est Pascal Affi N'guessan. Gbagbo a rompu ses liens avec son ancien Premier ministre et président du FPI afin de ne pas souffrir une éclipse. Ce dernier a commis un crime de lèse-majesté. Affi a disputé à Gbagbo la présidence du parti que ce dernier a fondé en 1988 à l'effet de ne plus reconnaître sa tutelle. Gbagbo lui a laissé "l'enveloppe" pour créer un nouveau parti, le PPA-CI.

Les deux autres victimes sont collatérales afin qu'elles ne lui portent pas ombrage. En 2020, Laurent Gbagbo a tué dans l'oeuf les velléités de candidature à la présidentielle de Simone Ehivet Gbagbo, alors 2è vice-présidente du FPI Gor et son épouse.

Les relations du couple n'étaient plus au beau fixe. Et les propos que l'ex-Première dame a tenus le 30 novembre 2019 ont été assimilés à une rébellion et une volonté de tourner la page Gbagbo. « Nous devons suivre Laurent Gbagbo parce que nous partageons sa vision », a-t-elle entamé avant de mettre le feu aux poudres: « Mais notre vision, ce n'est pas Laurent Gbagbo. Notre vision, c'est la Côte d'Ivoire nouvelle. Le jour où Gbagbo ne sera plus là, notre vision ne doit pas mourir ».

Cette sortie, de celle qui était soupçonnée de vouloir être calife à la place du calife, a suscité une violente polémique. Et alors en liberté conditionnelle à Bruxelles (Belgique) dans l'attente d'un éventuel procès en appel devant la CPI, qui l'a acquitté, en première instance, de l'accusation de crimes contre l'humanité, Gbagbo a quand même fait acte de candidature, en même temps que Henri Konan Bédié (ex-président de la République) et Alassane Ouattara (président sortant) pour la présidentielle du 31 octobre 2020.

La seconde victime collatérale est Ahoua Don Mello, qui commençait à avoir le vent en poupe. Ce Vice-président de l'Alliance internationale des Brics chargé des projets stratégiques et Vice-président exécutif du PPA-CI chargé de la région des Lacs et de la promotion du panafricanisme était de plus en plus vu comme un possible plan B pour succéder à Gbagbo. Celui-ci vient de lui couper l'herbe sous les pieds et de mettre fin aux illusions de ses nombreux partisans.

Le ménage en interne effectué, Laurent Gbagbo réaffirme sa mainmise du seul capitaine à bord du navire. Mais il doit affronter de très fortes houles.

En effet, il a été gracié alors que ses co-accusés (Aké N'gbo, Désiré Dallo et Koné Katinan) dans l'affaire du "braquage de l'agence nationale de la Bceao", ont été, eux, amnistiés. Il reste donc rayé de la liste électorale en raison de sa condamnation, en janvier 2018, à 20 ans de prison et de privation de ses droits civils et politiques.

« Mille fois il s'inscrira, mille fois il sera radié », a tonné Coulibaly-Kuibiert Ibrahime. Le président de la CEI, la commission électorale, est d'autant sûr de son fait que, malgré l'ordonnance de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples (Cadhp) de septembre 2020, Gbagbo n'a pas été réintégré sur la liste électorale; la Côte d'Ivoire ayant refusé de s'exécuter.

Au pied du mur, une rude bataille attend le candidat du PPA-CI. Et le Comité central du parti s'est donc donné comme mission d'obtenir la réhabilitation de son président qui n'est pas "un voleur" et sa réinscription sur la liste électorale.

En réalité, il s'agit, de la part des anciens et toujours protagonistes politiques, d'une lutte à distance pour continuer d'en découdre. Ce mardi 12 mars, une pétition sera lancée en faveur de la candidature d'Alassane Ouattara, candidat naturel du RHDP, pour un quatrième mandat.

En novembre 2019, à Katiola, le président sortant mettait en garde: « Mon intention est de passer la main aux nouvelles générations. Mais si ceux de ma génération sont candidats, je serai candidat ». C'est lui le maître actuel du jeu qui detient les clés. Il a fait sauter le verrou de l'âge limite à la présidentielle et il a taclé Gbagbo pour l'éliminer.

Mais, Ouattara se trouve maintenant face à un dilemme cornélien: réhabiliter son "frère" afin qu'il exerce ses droits politiques ou maintenir sa forclusion et s'attendre au report massif des voix des militants du PPA-CI sur Tidjane Thiam, candidat du PDCI-RDA.

Cependant, dans le meli-melo, la Côte d'Ivoire fait piètre figure. TGV au plan économique, elle reste un wagon politique de la sous-région dont l'aiguille de la montre reste figée à... 2010, année de toutes les rancoeurs et ressentiments jamais effacés.

Or, partout et tout autour du pays, le renouvellement de la classe politique est en marche. Mohamed Buhari (Nigeria) et Mahamadou Issouffou (Niger) sont partis après deux mandats; George Weah (Liberia) a rendu le pouvoir après sa défaite; Macky Sall a renoncé à un troisième mandat au Sénégal; les militaires ont pris le pouvoir au Mali, au Burkina Faso et au Niger...

Quant à la Côte d'Ivoire, elle demeure sous chape de plomb. Sans renouveau, sans révolution politique et sans nouvelle vision. Et le pays, avec nos Joe Biden et Donald Trump locaux, pourrait s'apprêter à vivre le match retour de l'affrontement électoral, qui a opposé, le 28 novembre 2010, Alassane Ouattara (82 ans, trois mandats) à Laurent Gbagbo (79 ans, dix ans au pouvoir et dix ans à La Haye devant la CPI).

Deux grands absents vont manquer à l'appel. D'un côté, Henri Konan Bédié, ex-président du PDCI-RDA et ex-allié de Ouattara, décédé le 1er août 2023 à 89 ans. De l'autre, Paul Yao N'Dré, ancien président du Conseil constitutionnel. Il a réalisé l'exploit mondial d'investir deux présidents de la République en cinq mois: Gbagbo en décembre 2010 et Ouattara en mai 2011. Le pays n'est pas sorti de l'auberge.

Une contribution de F. M. Bally