Côte d’Ivoire / Lutte contre l’orpaillage illégal : Les efforts pour éradiquer le fléau, plusieurs sites détruits
Des arbres abattus, de profonds et trous larges dans le sol, des abris de fortune et du matériel d’orpaillage en ruine : le signe d’un chantier clandestin déserté. Ce décor se découvre dans plusieurs endroits du pays, œuvre des orpailleurs clandestins, véritable danger pour l’économie nationale.
C'est avec une grande colère que Bernardin Yéby découvre le sinistre décor sur la jachère de son défunt père. Pour lui, c’est l’horreur. « Depuis près d’une décennie, nos terres sont envahies par des bandes d’individus venus d’ailleurs. Ces personnes s’installent avec la complicité de certains de nos frères et y mènent des activités qui dégradent fortement nos parcelles », s’insurge cet étudiant, originaire du village de Kong 1, dans le département de Yakassé-Attobrou (région de La Mé). L’orpaillage illégal est une véritable plaie pour les villages environnants. « L’orpaillage clandestin entraîne la violence, la consommation de drogue, la prostitution et toutes sortes de trafics au grand dam des populations », témoigne Emmanuel Gbocho, planteur, lui, originaire de Kong 2, toujours dans le département de Yakassé-Attobrou. Le phénomène mine de nombreuses localités du pays. En 2023, la Côte d’Ivoire a répertorié plus de 1000 sites (exactement 1 098 sites d’orpaillage illégal) répartis dans 302 localités pour une population d’orpailleurs estimée à près de 24 000 individus. Ce fléau fait perdre plus de 3 000 milliards FCFA chaque année à la Côte d’Ivoire. Plus de 142 tonnes d’or s’évanouissent dans la nature à cause de l’orpaillage illégal. Conscient des graves conséquences de cette pratique sur l’environnement, la santé publique et l’économie locale, le gouvernement a décidé de mener une offensive d’envergure pour éradiquer le fléau.
Des actes posés par le gouvernement
Face à cette situation alarmante, le gouvernement a décidé de frapper fort en décidant d’encadrer l’extraction des matériaux précieux. Le cadre normatif et réglementaire est matérialisé par l’adoption en 2014 du code minier. Au plan international, l’Etat ivoirien collabore avec des organisations internationales dans la lutte contre l’orpaillage illégal. De plus, la Côte d’Ivoire s’est inscrite dans l’approche de l’utilisation de technologies avancées pour surveiller les sites miniers. En juin 2021, le Conseil national de sécurité (Cns) a mis en place le Groupement spécial de répression de l'orpaillage illégal, en soutien à la brigade de répression des infractions au code minier créée par le ministère des Mines, du Pétrole et de l’Energie.
Des résultats probants
Fort de cet arsenal juridique et institutionnel, le gouvernement a déclenché la répression et le démantèlement de plusieurs sites illégaux. Ainsi, en 2019, 222 sites sont déguerpis. Cela a été suivi de l’interpellation de 139 personnes et de la condamnation à la prison ferme de 57 d’entre elles. En 2020, 31 clandestins étrangers étaient interdits de paraître sur le territoire ivoirien. En août 2021, 35 sites d’orpaillage illégal ont été démantelés et 233 personnes ont été interpellées. Entre janvier et octobre 2023, plus de 807 millions FCFA de matériels ont été saisis et 501 individus ont été interpellés. 71 248 abris de fortune et divers autres matériels liés à l’orpaillage illégal ont été détruits.
De nouvelles stratégies de lutte contre le phénomène, déployées
Au-delà des opérations de répression menées par les organes créés à cet effet, l’Etat ivoirien a opté pour le renforcement de la gouvernance de l’orpaillage avec l’ouverture de chantiers-écoles permettant ainsi de former des artisans miniers professionnels. En décembre 2020, le pays comptait 12 chantiers-écoles. Le gouvernement va plus loin en intensifiant les campagnes de sensibilisation. Les chefs coutumiers et les leaders de communautés ont été invités à expliquer les dangers de l’orpaillage illicite aux populations. Les acteurs de la lutte ne ratent aucune occasion pour souligner que l’exploitation artisanale clandestine de l’or ne peut en aucun cas induire un développement durable dans les localités où elle se pratique. « Des populations locales manifestent un vif intérêt pour cette activité illicite qu'elles perçoivent comme étant plus rentable. Nous les sensibilisons et les exhortons à se tourner vers l’agriculture afin de relever le défi impérieux de l’autosuffisance alimentaire », souligne Abel Kassy, ingénieur agronome. Les autorités appellent donc à une prise de conscience collective. Le gouvernement consacre dans le même temps, d’importants moyens financiers et humains à cette lutte à l’effet d’offrir aux communautés confrontées à ce fléau, des perspectives heureuses.
Un front commun pour éradiquer le fléau
Le ministre des Mines, du Pétrole et de l’Energie, Mamadou Sangafowa-Coulibaly, conduit en personne des campagnes de sensibilisation sur le terrain. Toutes choses qui donnent l’occasion à des dialogues francs avec les populations où il leur explique les risques sanitaires, sécuritaires, économiques… auxquels elles s’exposent en s’adonnant à l’orpaillage illégal ou en laissant les orpailleurs clandestins exploiter leurs terres. Ces rencontres impliquant les chefs de village, de communautés, les guides religieux, les leaders des jeunes, des femmes, les cadres, les élus, le corps préfectoral et les Forces de défense et de sécurité, mettent chacun face à ses responsabilités. Car au final, autant l’Etat perd d’énormes ressources du fait de l’orpaillage illégal, autant les populations en perdent assez. Car ce n’est un secret pour personne. Les produits chimiques utilisés par les orpailleurs détruisent les terres des populations, menacent la santé des habitants, des agriculteurs, des éleveurs ainsi que celle des animaux. Vivement donc que ce front commun de lutte contre le phénomène se consolide partout sur le territoire national avec pour résultat attendu, l’éradication de ce fléau des temps nouveau une bonne fois pour toute en Côte d’Ivoire. Une campagne nationale de sensibilisation est plus que nécessaire. Elle permettrait de lancer la traque contre le phénomène partout sur le territoire national au même moment. Cela aura pour avantage de ratisser large et de ne point donner de répit à ces fossoyeurs de l’économie durant cette traque, un véritable assaut contre le fléau.
F. Koffi avec
Cicg