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Les députés de l'opposition sénégalaise ont été expulsés manu militari de l'Assemblée nationale, le lundi 5 février. Et le texte de la proposition de loi sur le report de la présidentielle du 25 février 2024 est passé comme lettre à la poste.

Malgré la situation explosive provoquée par sa volonté, exprimée le 3 février, de renvoyer le scrutin à la saint glinglin, Macky Sall n'a pas reculé. Il a conduit au forceps son projet et réussi son putsch ...constitutionnel devant la consternation et la colère des populations.

Ainsi, dans un pays non confronté au terrorisme, son mandat, contre l'agenda constitutionnel, ne prendra plus fin officiellement le 2 avril, mais le 15 décembre 2024, si le scrutin se tient effectivement à cette date. Car rien n'est moins sûr avec la transition politique qu'il a instaurée d'autorité.

Bénéficiant de la couverture hypocrite de la CEDEAO et de la fumisterie de l'Union africaine, qui ont refusé d'appeler un chat un chat, le monarque républicain sénégalais a pris le contrepied de ses propres envolées démagogiques. Sans aucune protestation des organisations et des États.

Opposant alors au président Abdoulaye Wade, auquel il voulait succéder, en 2012, Macky Sall était droit dans ses bottes. "Je refuse que le pouvoir use de subterfuges pour pouvoir reculer les élections (présidentielles du 26 février). Je ne l'accepterai pas et je mettrai tout en oeuvre pour faire face à cette imposture," menaçait-il. Car, renchérissait-il, "lorsque l'essentiel est en danger, s'opposer devient un devoir."

Au pied du mur, M. Sall a changé de logiciel. Il use de force et de répression pour mater les oppositions à sa volonté de confisquer le pouvoir. Et met tous ceux, qui ont chaleureusement salué sa décision de renoncer à un troisième mandat, dans l'embarras devant la forfaiture.

Depuis l'indépendance du pays, en effet et alors que l'intégrité territoriale du pays n'est nullement menacée comme au Burkina Faso, au Mali ou au Niger, c'est lui qui rompt, pour la première fois, le rythme des consultations réglé par la Constitution.

Et sur sa lancée, il a limogé tous les douze membres de la Commission électorale nationale autonome (CENA), désavoué le Conseil constitutionnel, la clé de voûte de toutes les institutions du pays. C'est la contestation orchestrée, par des candidats éliminés ou leur parti, des décisions sans recours des Sages du Sénégal, qui a conduit à cette crise politique planifiée.

C'est la part belle faite à Macky Sall dans un jeu dangereux pour la paix sociale. Se servant de la justice comme bras séculier, il a fait le ménage, interdisant un parti, le PASTEF, et emprisonnant ses leaders dont Ousmane Sonko, son plus sérieux rival et adversaire.

Il a fait ourdir avec l'Assemblée nationale un complot. Cette dernière a examiné positivement les recours des recalés pour disqualifier les Infaillibles et mettre en doute leur probité, au point de susciter le passage en force de l'Exécutif.

De ce fait, contrairement à l'appel vain de Barack Obama, le président sénégalais s'affirme comme l'homme fort du pays, mettant les institutions du pays à ses pieds. Il donne raison à Montesquieu qui prophétisait, en brossant la dictature: "Il n'y a point de plus cruelle tyrannie que celle que l'on exerce à l'ombre des lois et aux couleurs de la justice."

Une contribution de F. M. Bally