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Une contribution de Ferro Bally

 

La Communauté économique des États de l'Afrique de l'ouest (CEDEAO) est frappée de vertige. A sa réunion extraordinaire du dimanche 30 juillet 2023 sur le renversement, le mercredi 26 juillet, du président nigérien Mohamed Bazoum, elle a fait la sourde oreille, en panne de mesures.

En effet et sur toute la ligne, l'organisation a fait du neuf avec du vieux. Elle a reconduit, comme lettre à la poste, les mêmes et dures sanctions économiques et financières qu'elle a prises contre le Mali le 9 janvier 2022:

- embargo sur tous les échanges commerciaux et financiers entre le Niger et les pays de la CEDEAO, y compris les produits pétroliers, l'électricité, les biens et services;

- gel des avoirs financiers et monétaires du Niger dans les banques centrales et commerciales de la CEDEAO, ainsi que ceux des entreprises publiques et parapubliques nigériennes;

- gel des avoirs des autorités militaires et civiles trempées dans le putsch, etc.

Le problème, la CEDEAO a déjà été désavouée par la Cour de justice de l'UEMOA. Sur saisine de la république du Mali, cette instance juridique s'était opposée, le 24 mars 2022, à ces mesures en demandant leur suspension.

Sur sa lancée, l'organisation ouest-africaine a voulu bander ses muscles. Après avoir isolé le Niger avec les autres sanctions (fermeture de toutes les frontières et le survol aérien de son espace aux avions en provenance ou en partance pour ce pays), la CEDEAO a lancé un ultimatum.

Les autorités militaires disposent d'une semaine pour réinstaller Bazoum dans ses fonctions, au plus tard le 6 août. Car gronde l'organisation, toutes les options sont sur la table, y compris le recours à l'intervention militaire.

C'est, après Goodluck Jonathan, le remake de la crise post-électorale ivoirienne sous les auspices d'un autre président nigérian, Bola Tinubu. En 2011, la CEDEAO a menacé de recourir à la force pour déloger Laurent Gbagbo et mettre au pouvoir Alassane Ouattara.

Ce fut une tempête dans un verre d'eau. Mais, comme le dira Gbagbo, la France fera, à la place de la CEDEAO, le boulot et l'éjectera du pouvoir, le 11 avril 2011.

L'ex-puissance tutélaire, en perte de vitesse dans la sous-région et inquiet pour l'approvisionnement de ses centrales nucléaires en uranium en provenance du Niger, se prépare certainement à une autre opération commando. Et pousse ses pions.

Si la France est assurée du feu vert de l'Union africaine (elle a donné 15 jours aux putschistes nigériens), elle sait qu'elle échouera au Conseil de sécurité de l'ONU avec le veto attendu de la Fédération de Russie.

De ce fait, avec des pays de la CEDEAO (Côte d'Ivoire et Nigeria en particulier, servant de bras séculier) pour assurer une légitimité à l'opération à défaut de légalité, elle pourrait être tentée par l'exemple des USA en Irak en 2003, en se passant donc du mandat onusien.

Comme en Côte d'Ivoire, la France est bien présente au Niger avec les soldats des Forces françaises au Sahel déployés à Niamey, la capitale. Et elle a déjà violé l'interdiction de l'espace aérien, en faisant atterrir un avion militaire. Au grand dam des autorités militaires.

Et dans cette préparation à ciel ouvert, elle a lancé un signal. Emmanuel Macron a imposé la participation au sommet d'Abuja d'un allié stratégique mais encombrant qu'il couvre de bienveillance: le général Mahamat Idriss Deby, arrivé au pouvoir par putsch à la mort, le 20 avril 2021, de son père, le maréchal Idriss Deby Itno. C'est tout dire.

Le Tchad est certes un pays voisin du Niger, mais n'est pas membre de la CEDEAO. Et avec la combinaison du Nigeria au sud et du Tchad à l'est, le Niger, qui se dit prêt, court le risque d'être pris en tenailles sur plusieurs fronts.

F. M. Bally