Côte d’Ivoire / Plusieurs mineures et femmes adultes violées dans le Tonkpi : Des chefs de villages et cadres complices
Bin-Houyé, localité située à l'extrême ouest de la Côte d’Ivoire se remet des nombreuses crises que le pays a connues sans oublier la guerre du Libéria. Mais cette accalmie est en train d'être détériorée par un fléau très dangereux. Le viol. Abuser impunément des fillettes dont l'âge varie entre 4 et 13 ans et des femmes âgées, est aujourd’hui, monnaie courante. Selon des informations recueillies auprès de certains parents de victimes, il ne se passe pas un seul mois sans qu'une petite fille ne subisse l'assaut de ces criminels.
Le témoignage de certains habitants
Le vieux David que nous avons renconté à Guéiwossieupleu, un village communal, avec beaucoup d’amertume, raconte le cas de sa fillette de 13 ans. « Ma fille et ses amies étaient au marché de Bin-houyé. Un peuhl a demandé à les transporter sur sa moto pour le village. A la grande surprise des enfants, l'individu a pris une autre route. Et c'est en plein cimetière municipal de Bin-Houyé qu'il a failli abuser de ma fille. Qui de justesse a été sortie d'affaire grâce à un corps habillé qui faisait ses besoins dans les environs et qui a entendu les cris de détresse de la petite. Ce meurtrier est aux mains de la justice et je pense qu'il subira la rigueur de la loi », nous relate le vieux David. Si la fille de ce dernier a eu plus de chance, nombre de jeunes filles et de femmes n'auront pas cette baraka. A Katouo, village de l’ancien ministre Auguste Sévérin Miremont, une fille de 6 ans n'a pu échapper à la sauvagerie d'un de ces obsédés sexuels, de même qu'une jeune fille de 13 ans qui s’est vue voler sa virginité par quatre (4) violeurs. Deux ans après, la petite Blépalé Doriane, aujourd'hui 8 ans, porte encore les stigmates de ce drame. Son grand-père est sans voix face à a souffrance que vit cette dernière. « Ma petite fille que vous voyez qui marche maintenant avec une canne a été violée par un jeune ici dans ce village. Son grand-père étant chef, il nous a suppliés de ne pas dénoncer son petit-fils. Nous avons soigné notre enfant et malheureusement pendant que nous continuons ses soins, une injection mal faite lui a causé un autre tort. Elle marche avec un bâton en main. Et elle a perdu aussi tout car elle ne va plus à l'école à cause de ce handicap. Il y a des fois, elle saigne du nez et cela nous inquiète beaucoup », se lamente Bouo N'gatouo Laurent, grand-père de la petite Doriane. L'autre survivante après sa prise en charge, s'est trouvée un petit ami dans un village du département voisin de Toulépleu.
Des arrangements à l’amiable qui tuent.
Les cas sont légion et les victimes sont de plus en plus nombreuses. Le mutisme des cadres et les arrangements à l’amiable dans les villages font des vagues de malades. Le cas de la petite Kéita Bintou dite Grace, est plus choquant. Destinée sûrement à un avenir radieux avec une beauté intellectuelle et physique sans remarquable, Grace qui, avec brio, a arraché son premier diplôme du cursus scolaire et son entrée en sixième lors du dernier examen à grand tirage, ne mettra plus les pieds à l'école. Le rêve de porter la tenue mythique bleu et blanc des jeunes filles des lycées et collèges va faire place à une maladie qu’elle a contractée après un viol. En effet, dans le mois de novembre 2016, comme une bête sauvage, un jeune homme abusa de Grace. L'affaire portée devant les chefs coutumiers ne va pas prospérer du fait de la forte pression exercée de toute part sur la grand-mère de la petite fille qui n'a que 13 ans. Et dont les deux géniteurs sont décédés. La vieille femme sous des menaces à peine voilées, abdique et lâche l’affaire. Grace ne reçoit aucun soin approprié. Et chaque jour qui passe, la petite Bintou Kéita voit son état de santé se dégrader sérieusement. Au bout de six mois, la mémé voyant que sa petite fille partait tout droit dans la tombe court chez la première magistrate de la commune de Bin-Houyé à qui elle porte l'affaire. Séance tenante, elle est conduite à l'hôpital. Le diagnostic des praticiens laisse tout le monde de marbre. Grace souffre d’une anémie sévère au point où son taux d'hémoglobine est tombé jusqu'à 4%. Dans son ventre, plusieurs ganglions ont poussé. Les membres inférieurs de la gamine sont enflés, elle ne peut plus se tenir sur les deux pieds. La gorge nouée, la grand-mère nous raconte le calvaire de sa petite fille et demande de l’aide. « J’ai subi d’énormes pressions de la part de plusieurs responsables du village. Aujourd’hui je suis en train de perdre ma petite par ma faute. Si j’avais pris mon courage à deux mains pour affronter tous ceux qui m’empêchaient de me plaindre, ma petite fille ne serait pas dans un état pareil. Je m’en veux et je demande pardon aux personnes de bonne volonté de me venir en aide afin de sauver cette innocente enfant », implore-t-elle. Grâce aux bons soins de madame le maire de Bin-houyé, la petite a été internée à l’hôpital général de Zouan-hounien.
L’appel de la première magistrate de Bin-houyé
Face à la gravité des faits et à la recrudescence du phénomène à Bin-houyé, Madame le maire est affligée. Nous l’avons rencontrée lors de notre passage récemment dans la localité. Étreinte d’émotions, elle dépeint la situation et appelle à la magnanimité de tous. « Nous sommes en train de combattre un phénomène ici actuellement, qui est le viol. Des viols commis sur des petites filles de 3 ans à 13 ans. Souvent même des femmes âgées sont victimes de ces actes dégradants, déshumanisants, avilissants et mortels. Il ne peut se passer un seul mois sans qu’un ou deux cas de viols ne soient mis à nu soit par le corps médical soit par des personnes anonymes. Ce sont souvent des viols en association et les coupables se promènent ici impunément », dénonce Jacqueline Gueu Seuyanou. Une femme d’une soixantaine d’années violée il y a quelques années est en train de mourir à petit feu car narguée par le violeur et sa femme. Découvrir ces cas, est fréquent, mais dénoncer les coupables de ces actes ignobles reste cependant le combat quotidien de Mme le maire de Bin-houyé. « Le problème que nous avons est que les parents ont tendance à cacher les faussaires. Et ces violeurs-là circulent impunément. Je me rappelle qu’en 2015 une fillette de 13 ans a subi un viol en association avec 4 jeunes hommes. Quand j’ai été interpellée, j’ai dénoncé ces faussaires à la gendarmerie. Cette affaire a fait un boum ici et tous les cadres condamnaient mon acte. Les gens ont dit que j’étais un élu politique et que je ne devais pas m’immiscer dans des problèmes de ce genre. Mais ce qu’ils oublient, c’est que nous les maires en plus du côté administratif que nous gérons, nous sommes aussi des officiers de police judiciaire. Considérant donc cette position je ne peux fermer les yeux sur ces actions qui dévalorisent nos enfants », dénonce-t-elle. Pour le maire de Bin-houyé, seule une synergie d’actions peut freiner ce mal qui est en train de s’enraciner dans la localité. « C’est un véritable cri de cœur en tant que mère, donneuse de vie pour que le problème de viol à Bin-houyé soit traité avec beaucoup plus de vigueur et d’attention. J’en appelle à toutes les structures spécialisées, aux organismes nationaux et internationaux et aux structures étatiques de nos ministères de se pencher véritablement sur Bin-houyé car le mal est sérieux et profond. Je ne peux pas comprendre qu’on combatte l’excision qui est une coutume dans certaines régions et laisser propager le viol qui est un crime. Je me rappelle que ces personnes qui avaient ce genre de comportement étaient vendues à des marchands itinérants », martèle Jacqueline Gueu. Avant d’ajouter : « Les gens m’ont combattue. Des proches se sont inquiétés pour ma réélection. Mais je voudrais dire que ce n’est pas ma réélection qui m’intéresse. C’est ce que je dois laisser après qui est le plus important. Ceux qui ont été dénoncés dans le village de Katouo, aujourd’hui après leur incarcération sont des exemples dans le village. A peine le jour se lève que ces garçons sont partis pour les travaux champêtres. Pourtant avant leur forfait, ils étaient les plus effrontés avec des accoutrements bizarres. La prison n’est pas un enfer. C’est juste pour la correction et dire aux faussaires qu’il faut se conduire de façon noble », renchérit-elle. Dans sa quête de solution idoine à ce fléau, madame le maire appelle tous les cadres à se ranger dans ce combat. « C’est que vrai nous parlons de développement et d’autres pour nos populations. Mais disons-le clairement. Qui va utiliser ces infrastructures ? Ce sont des bandits ou des femmes violées qui psychologiquement sont atteintes de dépression ou d’autres choses. Toutes tendances politiques confondues, nous les cadres, nous devons avoir un œil humain sur ce phénomène. Aujourd’hui une fillette violée à l’âge de 6 ans est paralysée d’un côté et une autre de 13 ans qui est en train de mourir après. Je suis seule à m’occuper des cas dont j’ai connaissance avec mes propres moyens. Si cette fillette de 13 ans venait à mourir, qui serait responsable ? Est-ce le chef qui a réglé le problème à l’amiable ? Ou bien ce seront les parents de cette enfant qui au nom d’une quelconque alliance villageoise, ont refusé de dénoncer les faussaires ? C’est malheureusement ce que nous vivons et qui semble normal aux yeux de certaines personnes », conclut-elle. Le viol à Bin-houyé est devenu le jeu favori de certains jeunes qui le font impunément avec la complicité inconsciente de certains chefs de villages et des cadres. Il importe aux uns et aux autres d’avoir un regard particulier sur Bin-houyé afin que ce mal soit éradiqué.
JOD