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L’anacarde s’affirme, au fil des années, comme un secteur stratégique de l’agriculture ivoirienne et de l’économie nationale. En une décennie, la production annuelle de noix brutes de cajou a plus que doublé, passant de 400 000 tonnes en 2011 à plus d’un million deux cents mille tonnes en 2022.  L’anacarde représente aujourd’hui le deuxième produit d’exportation agricole, aussi bien en volume qu’en valeur, derrière le cacao. Toutefois, tirer profit des meilleures expériences à valeur ajoutée, dans la chaîne de la commercialisation, depuis la production de l’anacarde, passe par le circuit de la transformation. La Côte d’Ivoire qui l’a si bien compris, a mis le cap sur la transformation industrielle, pierre angulaire de la Politique nationale de développement 2021-2025.

La filière anacarde a amorcé son développement industriel, conformément à la vision du président de la République. En effet, Alassane Ouattara a décidé, conformément à ses choix stratégiques, de faire du secteur agricole en général et de l’agro-industrie en particulier, le fer de lance de la transformation structurelle de l’économie ivoirienne. C’est pourquoi, depuis la 3e édition du Salon international des équipements et des technologies de transformation de l’anacarde (Sietta) qui s’est tenu en novembre 2018, la Côte d’Ivoire avait déjà affiché ses ambitions : atteindre un taux de transformation de 100% de sa production de noix brutes en 2025. Cette ambition a été réaffirmée, lors de la 4e édition du Sietta en avril 2023. Ainsi, en plus de la trentaine d’unités de transformation avec une capacité nominale de près de 350 000 tonnes que compte déjà la Côte d’Ivoire, des plateformes industrielles sont mises à la disposition des opérateurs économiques par le Conseil coton-anacarde (Cca) pour booster le secteur de l’anacarde.

Et sur le terrain, les choses avancent bien avec des réalisations concrètes. En effet, le 23 septembre 2023, c’est dans une ambiance festive que s’est tenue la cérémonie d’inauguration de la Zone agro-industrielle dédiée à l’anacarde de Korhogo (Zaiko). S’inscrivant dans la vision du gouvernement en termes de changement structurel de l’économie par la transformation des produits agricoles, la Zaiko accueillera des opérateurs privés nationaux comme internationaux, pour l’atteinte des objectifs du pays en termes de transformation des noix brutes de cajou.

Aménagée par le Conseil du Coton et de l’Anacarde dans le cadre du Projet de promotion de la compétitivité de la chaine de valeur de l’anacarde (Ppca), co-financé par la Banque mondiale, cette zone Agro-Industrielle qui est la première des trois aménagées par le projet, vient renforcer les acquis de la filière anacarde en termes d’appui à l’investissement privé dans les infrastructures de transformation. Ces trois zones agro-industrielles, en plus de Korhogo, il faut ajouter Bondoukou et Séguéla en cours de finition, permettront de transformer jusqu’à 150 000 tonnes de noix brutes de cajou, accroissant ainsi la capacité nationale.

Bâtie sur une superficie de 28,7 hectares aménagés au profit des opérateurs privés désirants s’y installer, la Zone agro-industrielle anacarde de Korhogo dispose d’une plateforme d’une superficie de 17,45 ha repartie en 7 lots industriels d’une superficie variant entre 1,59 ha et 2,86 ha, d’une aire de séchage et 3 entrepôts de stockage de 2500 m2 chacun, d’un espace réservé à la valorisation des coques de cajou, des aires de stationnement de camions poids lourds dont un parking extérieur de 13 000 m2 et un parking interne de 7 000 m2 et de 2 postes de pesage.

La Zaiko bénéficie d’aménagements venant en renforcement des infrastructures locales avec entre autres une station d’épuration pouvant traiter jusqu’à 500 m³ d’eaux usées par jour, mise à la disposition de toutes les industries de la région, et permettant de pallier les problématiques environnementales afférentes, un transformateur de 40 méga volt Ampère (Mva) qui vient en renforcement du réseau électrique de la ville de Korhogo.

La Côte d’Ivoire est aujourd’hui un pays de référence dans l’industrie du cajou. Elle se hisse successivement aux rangs de premier pays producteur et exportateur de noix brutes, et troisième pays transformateur. Depuis peu, le pays est devenu le deuxième exportateur d’amandes dans le monde après le Vietnam et même devant l’Inde et le Brésil. « L’aménagement de cette zone industrielle vient à point nommé pour augmenter la capacité de transformation nationale. C’est un enjeu vital pour le secteur ivoirien du cajou car notre production de noix brutes a franchi le million de tonnes. Il nous faudra être capable de transformer localement la plus grande proportion de ce volume afin de créer de la valeur ajoutée localement, et renforcer la position du cajou dans l’économie nationale », a estimé l’ancien ministre de l’Agriculture et du développement rural, Kobena Kouassi Adjoumani avant de remercier le directeur général du Conseil coton-anacarde. Dr Adama Coulibaly, maître d’œuvre de cette plateforme, a saisi cette occasion pour rassurer les investisseurs. « Cette zone agro-industrielle offre toutes les garanties de conformité aux standards internationaux de sécurité, de qualité, environnementale et sociale, aux unités de transformation qui s’y installeront. Ainsi donc, les produits transformés n’auront aucune difficulté à accéder directement aux marchés les plus exigeants comme celui des Etats Unis », a-t-il indiqué.

De gros avantages pour les bénéficiaires des projets de transformation

Les opérateurs économiques ne sont pas les seuls bénéficiaires du processus de transformation industrielle à outrance du secteur de l’anacarde. Les populations riveraines des zones agro-industrielles gagnent aussi gros. Ainsi, l’occupation de tous les lots par les unités industrielles permettra l’insertion professionnelle des populations riveraines et plus particulièrement des jeunes et des femmes avec plus de 4 000 emplois directs qui seront créés dont 60% pour les femmes. Déjà, la réalisation de cet ouvrage stratégique a contribué au renforcement des infrastructures au profit des populations et industries locales avec la construction de 2,8 km de route revêtue dont une voie principale en 2×2 voies de 7,5 m sur 500 m et des voies internes et bretelles d’accès en 2×1 voie sur 2,3 km. On note également le renforcement du réseau de collecte des eaux pluviales et la construction d’ouvrages hydrauliques, la réalisation d’un ensemble d’infrastructures pour le maillage du site de la zone industrielle en fibre optique, l’installation d’un transformateur électrique de 40 Mva et accessoires en lieu et place d’un ancien de 16 Mva, au poste source sur la route de Lataha.

Pour l’alimentation de la Zaiko et les localités environnantes, le projet a exigé la construction d’un château d’eau d’une capacité de 200 m3 avec la pose d’environ 2,2 km de conduite pour l’amenée et la distribution de l’eau potable, la pose d’environ 2,5 km de canalisations pour la collecte des eaux usées industrielles, la construction d’une station de traitement des eaux usées d’une capacité de 490 m3/j, capacité largement supérieure aux besoins de la Zaiko.

Le jour de son inauguration a été aussi l’occasion pour la pose de la première pierre des usines de deux opérateurs ayant acquis des lots industriels sur la zone. Il s’agit du Vietnamien Long Son, plus gros opérateur de la transformation des noix brutes de cajou du Vietnam et de l’Ivoirien Ege Prest, filiale du groupe Soukpafolo.

Long Son est le plus grand transformateur de noix de cajou au Vietnam et dans le monde. Elle transforme chaque jour environ 450 tonnes de noix de cajou brutes dans plus de 10 usines au Vietnam et 3 usines d'emballage d’amandes de cajou réparties dans 8 provinces du Vietnam. Les amandes de cajou de cette société sont exportées dans plus de 50 pays à travers le monde, répondant à des exigences de qualité élevées telles que le Japon, la Corée et la Chine.

« Depuis longtemps, nous importons beaucoup de noix de cajou brutes de Côte d’Ivoire puis les transformons au Vietnam et les exportons dans le monde entier. La qualité de vos noix de cajou est bonne et la couleur d’amandes est relativement blanche. Je souhaitais investir et faire des affaires en Côte d'Ivoire depuis longtemps mais en raison de l'épidémie de Covid-19c et de la conjoncture économique mondiale défavorable, je n'ai pas pu concrétiser ce souhait jusqu'à présent. Nous sommes très reconnaissants aux autorités ivoiriennes, au Conseil du coton et de l’anacarde et à Ho Chi Minh city University of Technology (Hcmut) – Vietnam qui nous ont accompagnés dès le premier jour du projet », a confié Vu Thai Son, directeur général de Long Son et président de l'Association du cajou de la province de Binh Phuoc - Vietnam.

Les défis à relever

Face à la réalisation de l’ambition du gouvernement ivoirien de transformer 100% de la production d’anacarde à l’horizon 2025, le premier défi à relever est de pouvoir assurer l’approvisionnement sans discontinuer. L’ancien ministre de l’Agriculture et du développement rural a vu le danger venir de loin. Il prévient les producteurs.

« L’aménagement de cette zone agro-industrielle dédiée à la transformation de l’anacarde, a créé un cadre propice pour l’installation d’unités industrielles de transformation de la noix de cajou. Il ne revient qu’à vous de saisir les opportunités et de contribuer à son rayonnement. L’installation d’une zone agro-industrielle est une garantie de débouchés pour les producteurs et la garantie d’un revenu stable pour lesdits producteurs. Chers producteurs et acteurs de la filière anacarde de la région du Poro et des régions voisines, le succès de cette zone industrielle dépend aussi de vous. Il nous faut rassurer les investisseurs qu’en s’installant sur cette zone industrielle, ils s’offrent la possibilité d’avoir en grande quantité la meilleure qualité du cajou ivoirien. Nous devons ainsi mettre l’accent sur la qualité de notre production par le respect strict des recommandations des encadreurs, à savoir : faire un ramassage régulier des noix, faire le séchage et le stockage à l’abri de l’humidité », a rappelé Kobena Kouassi Adjoumani. Il y a également le combat contre la contrebande de noix de cajou que la Côte d’Ivoire doit mener avec efficacité. En effet, près d’un quart de la production d’anacarde est vendu illicitement vers les pays voisins notamment le Burkina Faso et le Ghana. Entre 150 000 et 200 000 tonnes ont été vendues illicitement en 2020 vers les pays voisins notamment le Ghana et le Burkina, contre près de 100 000 tonnes en 2019, selon les chiffres officiels.

« Chaque année, la fuite de la production est une grande préoccupation », indique à l’AFP Adama Coulibaly, directeur du Conseil coton-anacarde (Cca) qui gère la filière. « Nous essayons de mettre tout en œuvre pour limiter le départ de notre richesse vers les pays voisins », rassure-t-il.

En 2020, la Côte d’Ivoire a renforcé son arsenal juridique par une ordonnance gouvernementale qui abrogeait celle de 2018 jugée « inefficace » pour lutter contre la contrebande qui touche aussi le cacao dont le pays est également le premier producteur mondial.

« Nous avons plus de marge de manœuvre contre les malfaiteurs de l’économie. Car chaque kilogramme qui sort est une perte pour l’économie nationale et pour la filière », insiste le patron du Cca. Le contrevenant risque désormais jusqu’à 10 ans de prison, 50 millions de francs CFA d’amende et la saisie de sa récolte. « Il faut taper fort, là où ça fait mal, sur le portefeuille » de ceux qui organisent ce trafic dont la plupart sont installés dans les pays environnants, estime le Dg Adama Coulibaly.

Face à cette situation qui fait courir à la Côte d’Ivoire, le risque de perdre sa place de leader de la production d’anacarde, les autorités ivoiriennes appellent les producteurs à un sursaut national pour sauver la filière, préconisant la vigilance à tous les niveaux de la chaîne de commercialisation. A l’endroit des fraudeurs, elles préviennent que la loi sera appliquée dans toute sa rigueur. A ces difficultés, il faut ajouter le manque de financement notamment de prêts bancaires pour permettre aux investisseurs de mener leurs activités avec efficacité. Autre chose à déplorer, l’absence criante d’investisseurs ivoiriens dans un secteur largement dominé par les opérateurs étrangers d’où l’appel pressant du directeur général du Cca à leur endroit.

La volonté de la Côte d’Ivoire de transformer la totalité de sa production d’anacarde est désormais bien affichée. En effet, outre la zone industrielle de Korhogo, deux autres zones industrielles dédiées à la transformation de l’anacarde sont en cours de réalisation. Il s’agit de celles de Bondoukou et de Séguéla. On parle également de la zone de Bouaké après les trois premières.

A.K.