Côte d’Ivoire / La future centrale à charbon divise
La première centrale à charbon thermique d’Afrique de l’Ouest devrait voir le jour en 2024, à San Pedro. Suscitant la colère d’habitants et de militants écologistes.
Dominique Bi Irié dévale à grands pas les petites collines vertes surplombant la ville de San Pedro, dans le sud de la Côte d’Ivoire. Puis s’arrête. « Voilà, souffle-t-il. Ce sont mes champs de cacaoyers et d’hévéas. C’est ici qu’ils vont construire la centrale. Je vais devoir partir, alors que c’est toute ma vie. » Le planteur de 47 ans se dit « contre » le projet de centrale à charbon thermique, qui devrait voir le jour en 2024, en lieu et place de ses parcelles, 6 hectares sur les 125 nécessaires à sa construction. « Ils disent qu’ils vont m’indemniser 10 millions de francs CFA [15 200 euros], mais je n’ai reçu que 1 million pour l’instant. Et 10 millions, ce n’est pas assez pour se reconstruire avec une famille. Je vais devoir rentrer au village, loin de la ville », assure-t-il.
Comme lui, une soixantaine de planteurs vont abandonner leurs terres. Mais à Kablaké 1 et Kablaké 2, les deux campements communaux à proximité du futur chantier, il est l’un des rares à y être opposés. « Ils sont venus nous voir, ont installé des pompes à eau, nous ont dit qu’il y aurait de l’électricité, du travail pour tous les jeunes du coin et que ce n’était pas dangereux pour la santé, déclare Mathieu Tabio, président des jeunes à Kablaké 1. La centrale peut nous sortir de la pauvreté. »
Promesse de l’Etat : des emplois pour 2 500 jeunes
En 2018, l’entreprise chinoise PowerChina a signé un contrat avec la société ivoirienne S.Energies pour la construction d’une centrale à charbon thermique financée à hauteur de 1,2 milliard de dollars (1,1 milliard d’euros), en grande partie par les banques de l’empire du Milieu. Elle doit produire 700 mégawatts par an, afin d’approvisionner en électricité les nombreuses infrastructures industrielles de San Pedro et une grande partie de la Côte d’Ivoire aujourd’hui électrifiée sur environ 60 % de son territoire. Autre promesse de l’Etat ivoirien qui a commandé ce projet : des emplois pour 2 500 jeunes Pétrussiens durant les quatre années des travaux. Dans la tête du millier de villageois, la grande usine est une aubaine.
Mais, pour d’autres, le charbon fait peur. Il existe même des militants écologistes, « en colère contre ce projet d’un autre temps ». Ce groupe de veille composé de chefs de terre, de cadres et d’opposants politiques se réunit régulièrement depuis 2017, à l’initiative d’ONG ivoiriennes situées à Abidjan. « Ils ont éveillé notre conscience. On demande à avoir plus d’informations sur le sujet, parce que nous sommes inquiets pour les populations aux alentours », déclare Francis Inagohi, chef de terre aujourd’hui installé en ville. Ce manque de transparence renforce leurs inquiétudes et leurs doutes sur un projet qu’ils jugent « néfaste ».
Source : lemondeafrique