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EMPÊCHEUR DE TOURNER EN ROND. N'guessan Kouadio Joël a passé sa première nuit au Pôle pénitentiaire d'Abidjan (PPA, prison civile). Placé sous mandat de dépôt, le 19 juin 2025, il a été écroué pour "outrages à magistrats et discrédit sur l'institution judiciaire dans son ensemble."

Cet alassaniste notoire, ex-ministre des Droits de l'homme et ancien porte-parole du RDR, a rompu avec le psittacisme ambiant pour mettre les pieds dans le plat, et devenir l'homme à abattre.

Il a congédié la langue de bois, en faisant fi de la prudence conseillée par Kobenan Kouassi Adjoumani, le "micro" du RHDP, qui imposait aux dirigeants et militants du parti de ne point se prononcer publiquement sur des sujets qui fâchent, comme la succession d'Alassane Ouattara.

Se mêlant, à son insu, au "Mouvement trop c'est trop", Joēl N'guessan, redoutable pourfendeur de Laurent Gbagbo, a pris son courage à deux mains, dans une interview, pour sortir du silence face aux nuages qui s'amoncellent à l'horizon politique.

Dans un premier temps, il a, à bout portant, dézingué tous les prévaricateurs et profiteurs du régime. Depuis son limogeage, en septembre 2021, de son poste de président du Conseil de gestion du Fonds de développement de la formation professionnelle (FDFP), ces derniers sont dans son collimateur.

Il les accuse, afin de préserver leurs "gros privilèges", de pousser Alassane Ouattara dans le dos et de le prendre en otage pour qu'il reste à la tête du pays. Et ainsi, ils sont sûrs de rester agrippés au pouvoir pour continuer, comme des sangsues, à sucer le sang de l'Etat.

Cette option a donc conduit à la judiciarisation planifiée de la vie politique, pour ouvrir un boulevard au chef de l'Etat. Tous les poids lourds de l'opposition, notamment Laurent Gbagbo (ex-président de la République et président du PPA-CI) et Cheick Tidjane Thiam (président du PDCI-RDA), ont ainsi été radiés de la liste électorale.

Cela au grand dam de nombreux acteurs comme l'artiste Tiken Jah Fakoly et Évariste Tié Méambly, militant du RHDP et candidat à la présidence du parti au 2è Congrès ordinaire (20-21 juin 2025) qui, s'opposant au quatrième mandat de Ouattara, fulmine contre "la peur" qui s'est emparée de son parti dans la perspective d'affronter l'opposition à l'élection présidentielle du 25 octobre 2025.

C'est pourquoi, se joignant à cette campagne, Joël N'guessan a dénoncé ces exclusions politiques consécutives à une instrumentalisation de la justice, qu'il suppose et trouve suicidaire. "Je vous fais remarquer que ce sont certains magistrats qui sont à la base de tous les problèmes que nous avons connus dans ce pays," rappelle-t-il avant d'interpeller les magistrats et les mettre face à leur responsabilité: "Ça veut dire que si demain, il y a des troubles dans le pays, les premiers responsables, ce sont les magistrats."

Ne prenant pas de gant et inquiet, Joël N'guessan a frappé là où ça fait mal, même au plus haut sommet de l'Etat. Et voilà ce cadre du pouvoir livré à la vindicte de la justice, qui a vite fait de criminaliser sa liberté d'expression à l'effet de museler tous les sons discordants face aux dérives d'un pouvoir autocratique et autoritaire.

Pourtant, cet empêcheur de tourner en rond n'a fait qu'amplifier l'admonestation de feu Koné Mamadou, alors président du Conseil constitutionnel, aux hommes de droit qui ne sont pas droits et aux magistrats zélés et partisans, qui disent tout, sauf le droit.

"Disons-nous la vérité et reconnaissons que par la faute de certains d'entre nous, le peuple, au nom de qui nous rendons la justice et qui est notre juge, n'est pas loin de nous retirer sa confiance, si ce n'est déjà fait", a-t-il dressé le sombre tableau de la crise de confiance à sa prestation de serment, le 12 mars 2015, avant de mettre en garde: "La Côte d'Ivoire est en train de rebondir. Mais il suffirait d'une décision de justice malheureuse, une seule, pour briser cet élan. Malheur donc à celui par qui ce scandale arrivera".

Dans ce pays de mal-entendants qui fonce droit dans le mur, Koné Mamadou a tiré sa révérence et plus personne ne l'écoute. Il a prêché dans le désert. Et Joël N'guessan, son sous-traitant, va boire le calice jusqu'à la lie.

Une contribution de F. M. Bally